Le doom ne cesse plus de se conjuguer au féminin. Cette mode risquerait d'être lassante si elle n'était pas la plupart du temps la source d'une immense jouissance. Mais se démarquer au sein de cette multitude de formations qui rivalisent de charme et de vitalité n'est pas chose aisée. Superlynx réussit pourtant à s'écarter d'une concurrence sévère.
Sans doute déjà parce qu'il nous vient de Norvège et non pas d'Angleterre, d'Allemagne ou de Suède. Cette origine géographique commande un son moins stéréotypé, plus sombre et rituel probablement, plus montagneux certainement. Loin de la froideur boisée ou minérale de ses compatriote Skumring ou Octavia Sperati, le groupe distille au contraire une chaleur moelleuse. Qu'il revête la forme d'un trio le singularise également quelque peu, architecture qui lui confère une simplicité sinon un dépouillement qui ne rime bien sûr jamais avec anémie.
Efficaces, ses compositions n'en demeurent pas moins extrêmement travaillées, à la fois d'une belle inventivité rythmique ('Cold Black Sea') et hantées par de discrets claviers ouatés ('Indian Summer') ou quelques notes de piano ('Becoming The Sea'). On devine là la marque de Ole Teigen, ici batteur mais longtemps claviériste chez Den Saakaldte et Dødheimsgard. Quant au chant de la bassiste Pia Isaksen, s'il se démarque assez peu du registre délicat voire mystérieux des autres prêtresses batifolant dans le même genre, le contraste qui naît de sa douceur veloutée alliée à la semence rocailleuse qui s'écoule des manches à six ou quatre cordes confère à "New Moon" son atmosphère si particulière.
De fait, cette deuxième offrande gravite le long d'un chemin coloré d'une tendresse poétique dont la trompeuse quiétude est menacée par une obscurité orageuse. Nimbé dans un psychédélisme douillet mais sabré par une guitare granitique ('Scarecrow'), bercé par la voix vaporeuse d'une sirène endormie mais grignoté par une rythmique taillée dans la roche ('Hex'), cet album affirme sa chaleureuse identité dans les profonds contrastes qui le nourrissent. Minée par une détresse souterraine, l'œuvre n'en rayonne pas moins d'espoir, celui du combat mené et peut-être gagné contre les ténèbres à l'image du pulsatif 'Breath', plainte tour à tour pesante et élancée, noire et lumineuse.
Baignant dans une atmosphère à la fois onirique et terreuse, "New Moon" est une gemme sculptée dans un doom psychédélique de toute beauté où la douceur vespérale d'un chant féminin répond à un socle magmatique.