En 2015, Daevid Allen, le cosmonaute australien de la planète Gong, faisait le grand saut dans le vide. Un an plus tard, le signal des murmures spatiaux de sa complice Gilli Smyth n'était plus capté par notre base progressive. Peu de temps avant, David Aellen avait tenté de gagner un combat perdu d´avance face au crabe qui le dévorait, en composant de nouvelles chansons avec l'équipage de "I See You". L'album "Rejoice! I'm Dead!" sera posthume malgré la présence vocale du guitariste sur 'Beatrix' et l'écriture de deux autres chansons. Autant dire qu'un nouvel album de Gong, privé définitivement de son maître à penser, n'était guère plausible. On pourrait arguer que dans les années 70 après sa trilogie "Radio Gnome Invisible", le percussionniste Pierre Moerlen avait déposé son propre étendard sur la planète Gong, devant par ailleurs la renommer Pierre Moerlen´s Gong et lui offrir une révolution jazz fusion. Si dans un autre monde, la guerre des planètes reprend de plus belle entre Pierre Moerlen, Daevid Allen et Gilli Smyth, sur notre vieille planète, des rescapés de la supernova s'interrogent.
Et d'un commun accord la mission se poursuit. Mais les objectifs sont clairs d'entrée de jeu : il ne s'agit pas de proposer une pâle copie de ce qu'aurait pu être Gong mais de poursuivre l'épopée psychédélique. Le guitariste et chanteur Kavust Torabi l'a bien expliqué : ''Nous voulions créer l'album psychédélique ultime''. Autant dire que selon leurs souhaits, les membres du nouveau Gong nous offrent une expérience saine de prise de drogues. Quatre morceaux composent l'armature de ce ''The Universe Also Collapses'' dont deux qui culminent à plus de dix minutes. 'My Sawtooth Wake' démarre comme un cauchemar éveillé à grands coups de cymbales et de saillies brutales de saxophones. Le morceau passe par plusieurs ralentissements avant de retrouver un rythme proche de King Crimson sur 13 minutes. Le second long morceau, 'Forever Reocurring' engloutit l'auditeur dans un continuum extra temporel de plus de vingt minutes. De longues boucles lancinantes et répétitives forment le chemin vers lequel s'aventurer. Le saxophone et la guitare finissent toutefois par sortir de leur torpeur. Mais malgré la très longue introduction, la suite nous montre que les musiciens n'ont rien à envier à leurs prédécesseurs. Claviers, guitares, batterie et saxophone s'escriment pour livrer une joute jouissive qui se termine en apothéose.
Malheureusement, le conte de fées manque de stratégie scénaristique. Certains aspects erratiques se retrouvent dispersés sur l'album. 'The Elemental' tend à la cacophonie sans vraiment convaincre. Le plus court morceau 'If Never I'm And Never You' qui nous présente un aspect plus vertigineux et plus hard malgré le chant désastreux aurait mérité un plus long traitement. La voix de Kavust Torabi, si elle rappelle celle nasale et théâtrale de son prédécesseur, s'avère particulièrement monotone et dépourvue de toute sensualité (mais pourrait être un bon argument pour ne pas prendre de drogues) se contentant souvent de suivre la partition. Sur 'Forever Reocurring', elle manque son but de se faire hypnotique. Les paroles fumeuses dans tous les sens du terme sont en accord avec l'esprit psychédélique mais manquent de finesse, comme si elles servaient de caution à un propos intellectualisé alors que Gong a toujours eu la liberté de cultiver un esprit potache et excentrique. Certes le début de 'The Elemental' essaie de désactiver cet aspect pompeux mais le retrouve trop rapidement.
Gong est mort ! Vive Gong ! Si certains moments rappellent la grande époque du style et de ce groupe mythique, on regrettera toutefois de trop grandes libertés prises avec son héritage, suscitant de longs moments d'ennui. Il manque un Steve Hillage ou un Didier Malherbe pour guider ce vaisseau qui s'il n'est pas encore menacé risque fort d'être en déperdition.