Quel est l'avenir de la musique ? Tout a-t-il été inventé et ne serait-elle devenue que recyclage ? La fusion constitue-t-elle son avenir créatif ? Actuellement, de plus en plus de groupes s’ingénient pour apporter à leur style une touche singulière afin d'émerger du lot des sorties quasi quotidiennes. Toutefois l'équilibre à trouver entre expérimentation et mélodie est souvent ténu et parfois le risque est de se lancer tête la première dans l'originalité et laisser sur le bas-côté ce qui doit faire l'intérêt de la musique, c'est-à-dire le plaisir d'écoute.
Chevalien s'inscrit dans ce sillon des artistes qui offrent une certaine originalité avec une musique fusionnelle en mêlant rap, indus et metal. L'artiste n'en est pas à son coup d'essai et revient avec un EP, "Moonglasses", de quatre titres et un remix. A l'image des groupes des années 70 qui cherchaient à développer des styles nouveaux tout en s'appuyant sur l'existant pour le transcender et le triturer, Chevalien propose un EP laboratoire dans lequel ce savant fou des platines et ordinateurs explore diverses contrées. Et comme souvent, à l'encontre de ce que demande la musique actuelle, sauf pour les initiés, il faut faire un effort pour que cet album se dévoile totalement.
La rythmique sourde et pesante accueille l'auditeur avec une batterie organique qui apporte un peu de chaleur à un ensemble qui pourrait donner le sentiment d'une certaine froideur ('Retaliate'). Toutefois, la façon dont Chevalien aborde le chant à la manière d'une complainte rapide donne du corps à ce premier titre avec des mouvements presque hurlés façon hardcore. La puissance organique apporte plus de relief et accentue le sentiment d'une urgence pesante d'exprimer une frustration. Le titre éponyme est quasiment progressif avec une première partie rap qui se développe jusqu'à une deuxième partie plus violente et indus. Les guitares tranchent les rythmes electro façon jambon d'York. Plus l'album avance plus l'ambiance devient pesante avec un 'Black Speech' où le débit vocal s'accélère et vous hypnotise pour ne plus vous lâcher.
"Moonglasses" est donc un OMNI (Objet Musical Non Identifié) comme on en croise peu. Un disque qui s'apprécie avec le temps car pas facile d'accès d'emblée et qui pourrait en laisser plus d'un sur le côté. Il déborde d'une énergie urbaine contemporaine avec ce qu'elle a de froideur mais aussi de violence, d'amertume et dans le même temps d'espoir furtif et organique. Le disque d'une époque.