S’il n’a pas sorti d’album officiel depuis 2014 ("High Hopes"), le Boss n’est pas resté inactif pour autant, bien au contraire ! Entre un EP ("American Beauty" – 2014), une compilation ("Chapter And Verse" – 2016), une autobiographie (Born To Run – 2017), un live ("Springsteen On Broadway" – 2018) et trois coffrets, on peut dire qu’il a même gâté ses fans. Pourtant, en l’absence de son E-Street Band, cette période ressemble beaucoup à une phase d’introspection dont le terme a été annoncé pour fin 2019 – début 2020 avec un opus en compagnie de sa formation historique. En attendant, Bruce Springsteen offre tout de même un nouvel album intitulé "Western Stars" enregistré avec des musiciens de studio et à nouveau produit par Ron Aniello.
La légende vivante n’est pas réputée pour se laisser enfermer dans l’auto-caricature et a pour habitude de se remettre régulièrement en question et en danger. "Nebraska" (1982), "The Ghost Of Tom Joad" (1995) ou dans un autre genre, "High Hopes" (2014) en sont les exemples les plus connus. Avec ce nouvel opus, le Boss a décidé de rendre hommage à ses idoles telles que Roy Orbison ou Burt Bucharach, tout en proposant une œuvre introspective. La production offre de nombreuses envolées instrumentales avec des sections de cordes et de cuivres fournies, donnant un côté très cinématique à l’ensemble. L’hommage à la pop-rock de la fin des années 60 et du début des années 70 est évident mais, et comment pourrait-il en être autrement avec ce monument, il ne tombe jamais dans le plagiat.
Avec ce "Western Stars", Bruce Springsteen réussit à marier la vision des grands espaces avec des histoires de motards (‘Hitch Hikin’ ’), de trains emmenant le narrateur vers son destin (‘Tucson Train’) ou de cascadeurs de séries B (‘Drive Fast (The Stuntman)), et des pièces plus épurées et intimistes (‘Western Stars’, ‘Somewhere North Of Nashville’ ou ‘Moonlight Motel’). La prise de risque est évidente et le Boss sort encore une fois de sa zone de confort. Pour ce faire, il utilise le plus souvent un chant calme et doux, ne poussant son légendaire organe qu’à de rares exceptions (‘There Goes My Miracle’). Permettant de garder une variété dans les ambiances, ‘Sleepy Joe’s Café’ se fait enjoué avec son accordéon et son banjo, alors que ‘Hello Sunshine’ s’engage sur les highways chères à la country.
Une fois de plus, le Boss va diviser mais à bientôt 70 ans, il y a peu de chance pour que cela le chagrine plus que tout au long de sa carrière. "Western Stars" est une nouvelle œuvre à la richesse aussi foisonnante que mélancolique. Les talents de conteur de son auteur emportent à nouveau l’auditeur le long des routes américaines pour y croiser les destins et les rêves brisés des classes les moins favorisées. D’une beauté délicate et douce, ce nouvel opus prendra son temps pour vous envoûter si vous lui en laissez le temps, et vous auriez tort de vous en priver.