Les
frères Fortune créèrent le groupe du même nom en 1978. Un premier
album éponyme sortit la même année. Le groupe changea ensuite de
peau en 1982 avec l'arrivée de Roger Scott Craig (claviers) et Larry
Greene (chant) - ils firent ensuite les beaux jours d'Harlan Cage et
de 101 South - et ressortirent en 1985 un second album éponyme
(originale idée), aujourd'hui considéré, à tort ou à
raison, comme le meilleur album d'AOR de tous les temps. Curieusement,
vingt et un ans de silence suivirent. Relancé en 2006 par les
susnommés frères accompagnés du Sieur Greene, Fortune ne réapparut
véritablement qu'en 2016, seulement sur scène car toujours point de
nouvel opus. Autant dire que le "II", dont nous allons ici évoquer la
sortie, est à classer au rayon des événements musicaux même si la méfiance est de mise, concernant un groupe en hibernation depuis si longtemps.
Bonne surprise, au-delà du fait que les amateurs du Fortune de 1985 et du
très classe et trop peu connu Harlan Cage trouveront leur compte
dans cette production, on ne peut qu'apprécier les compositions
développées ici pour peu qu'on estime le versant calme du hard
rock mélodique. Car il est clair en effet que votre voisin du dessus
ne risque pas de défoncer son manche à balai en explosant son
parquet, horripilé qu'il serait par la destruction de son sonotone
due, même à fort volume, à votre écoute des dix titres de ce "II".
Finalement
Fortune n'a pas changé. La voix de Greene est toujours aussi
identifiable, le chanteur trimbale comme il y a des décennies sa
mélancolie vocale au cœur de tous les titres qu'il interprète.
Quant aux compositions, elles ne sont domptées qu'au fil des écoutes,
ce qui est rare dans le genre musical ici décliné. Même le logo et
l'artwork sont parvenus à traverser le temps.
Mais
le vieux pot mitonne encore de la bonne soupe. Plusieurs titres
sauront vous en convaincre tels 'Shelter Of The Night' et 'Freedom Road' que l'on croirait issus d'un opus d'Harlan Cage, 'Overload' qui ramène
à Survivor, la fort belle ballade en l'honneur d'Amy Winehouse 'A
Little Of Poison' et 'Heart Of Stone', sa petite sœur, qui ferait
pleurer un taliban. Toutefois, quelques coups de moins bien en fin
d'album viennent parasiter ce bel ensemble comme les peu inspirés 'The Night' et 'All Right Moves'.
Cependant,
rien ne vient véritablement gâcher le plaisir que nous avons
de retrouver de vieux camarades disparus. Ainsi, ce "II" mérite le
déplacement pour les hard-mélomanes qui apprécient les compositions les moins virulentes du hard rock mélodique. Pour ceux qui préfèrent les sons plus rugueux, trouver un intérêt à cet opus pourrait être plus compliqué. Cependant, Fortune ne triche pas sur la marchandise, il n'est aucunement question ici de tromper son monde en laissant croire que les années qui ont passé ont changé la formation. Le groupe reproduit en effet ici ce qu'il nous a proposé il y a quelques décennies. Reste à savoir si cette immuabilité sera payante et offrira un avenir à ce revival.