"Ridenti Mortuus" scelle le retour de Rigor Sardonicus après six ans d'abstinence discographique. Les Américains n'ont cependant pas mis à profit ce long silence pour polir leur son. Bien au contraire, ils demeurent plus que jamais fidèles à cette expression décharnée et primaire d'un funeral death doom aussi granuleux qu'autarcique, ce dont témoigne cet opus résurrectionnel. Celui-ci n'est certes, sur le papier, qu'un EP mais comme souvent avec le genre, sa durée - plus d'une demi-heure quand même - le rapproche davantage dans son format d'un véritable album que d'une courte saillie, sans pour autant concurrencer Reverend Bizarre et son "Harbinger Of Metal" vendu comme un opuscule de plus de 70 minutes !
Reste que de par sa lenteur caverneuse, "Ridenti Mortuus" paraît s'étirer bien plus longuement, interminable excavation dans la panse brumeuse de la terre, que forent deux musiciens à l'unisson d'une opacité troglodytique. L'offrande a été gravée durant une seule journée, le 11 novembre 2018, en mémoire de la Première Guerre mondiale dont on a fêté le centenaire de l'armistice. Cet enregistrement spartiate et brut de décoffrage commande un art galeux qui ne fait aucune concession à une beauté totalement éconduite. Pas la moindre trace de lumière, même la plus pâle, ne vient éclairer la grotte dans laquelle le disque semble avoir été capturé en une prise dans les conditions d'une répétition, un peu comme si Joseph Fogarazzo et Glenn Hampton avait cherché à capter la laideur et l'urgence de la guerre.
C'est donc lent, très lent. Ni progression ni sursaut ne permettent à ces processions asphyxiées par une étouffante inexorabilité de dévier de leur trajectoire, plongée dans les abîmes des fosses Marianne. Seul le terminal 'Intereo Parum Infantia' est vrillé par une accélération, freinée toutefois par une gangue de mazout. Avec les années, le funeral doom cryptique que sculptent les Américains n'a pas évolué, les boyaux remplis de gargouillis et d'une vermine rocailleuse. Avalé par une nuit sale et épaisse comme une marée noire, "Ridenti Mortuus" porte leur empreinte, sévère et hermétique, ni blafarde à la manière des Finlandais ni granitique comme les Britanniques mais seulement abyssale et presque désincarnée. Et forcément funèbre...