Si cette réalisation peut surprendre par sa soudaineté, elle n’en demeure pas moins le témoignage de l’esprit créatif de Jérôme et Pascal dans ce qu’il y a de plus profond. Il faut dire aussi que Jirfiya est avant tout le fruit d’une rencontre artistique avec Ingrid  qui permet aux deux musiciens d’aller au-delà de ce qu’ils proposent au sein de Born From Lie et de ne pas tomber dans une routine qui pourrait être dévastatrice pour un artiste, quel qu’il soit. Ainsi présenté, l’EP se veut ainsi très féminin dans le sens où il fait preuve d’une recherche mélodique exacerbée tout en restant dans l’esprit du groupe originel, heavy et puissant. La démarche se rapproche ainsi d’un Ayreon en raison de ses nombreux duels voix féminine et masculine accentuant l’aspect très cinématographique de l’écriture de Jérôme.

Cette volonté de sonner très mélodique est présente d’emblée avec de jolis accords de guitare acoustique quasi hispaniques qui accueillent l’auditeur pour ensuite disparaître en fumée sonore après une furia électrique accrocheuse (‘The Report Card’). Le chant d’Ingrid s’exprime de façon plutôt rageuse, rehaussé par Jérôme qui growle de mieux en mieux. Que les réfractaires de cette technique soient rassurés, tout au long de l’album, ces lignes, qui restent relativement discrètes, se marient très bien au concept de lutte, de doutes et d’introspection qui fait le lit de l’album.

Dans cet EP, tout est fait  pour mettre en valeur la voix d’Ingrid tant sur le plan des compositions très bien écrites qu'au niveau d'une production très équilibrée. L’interprète épouse ainsi tous les thèmes de l’album qui dénonce une société de plus en plus sombre face à laquelle chacun aura sa perception alternant la fragilité, la sensualité et la force. Elle réussit le pari souvent périlleux de ne jamais surjouer l’émotion qui transpire de l’album comme dans la magnifique ballade ‘A Part Of Light’ diablement efficace, au refrain entêtant alors qu’il aurait été facile de tomber dans le sucré qui dégouline souvent de ce genre. Tel n’est pas le cas ici. Dans 'Waiting For Your Fall', Ingrid fait preuve d’une belle technique vocale avec un chant hurlé qui exalte la rage vis-à-vis de certains actes odieux souvent justifiés au nom de la religion sur les ordres de prêcheurs qui n’en ont que faire et qui finiront par en périr. Dans ce morceau, le groupe ose quelques notes anathémiennes en introduction. L’alliance des solos de guitares très expressifs, tranchants et d’une rythmique variée insuffle à l'album ses aspects épique et énergique, comme peut l’être un bon vieux Maiden, matérialisant ainsi  un écrin dans lequel se lovent les lignes vocales d’Ingrid. L’auditeur pourra aussi penser à d'autres thèmes comme celui de la violence faite aux femmes, le harcèlement,  la vie qui passe vite et nous met dans une situation d’emprise aux ressorts psychologiques puissants (‘Under Control’ qui alterne mid tempo et passages plus brutaux).