Odious Devotion est un nom qui ne vous évoque (encore) rien ? Ce n'est pas étonnant puisque le groupe signe avec cette offrande éponyme son acte de naissance. Mais est-ce vraiment un groupe ? De fait, on imagine plutôt, caché derrière ces deux mots, une âme solitaire, hère misanthrope reclus dans sa cave éclairée à la chandelle. Pour le savoir, encore faudrait-il que des informations, même parcellaires, circulent sur le projet. Or il n'en est rien. Ni photo ni le moindre nom de musicien. Ce qui n'est pas nouveau et participe d'une volonté d'entretenir un mystère en gommant les identités. Comme avalées par un épais rideau de fumée, les individualités sont ainsi effacées au profit d'un tout énigmatique qui pourrait être l'œuvre du Grand bouc lui-même.
Que Odious Devotion soit finlandais, seul renseignement à avoir filtré, pourrait toutefois fournir un indice précieux quant à la teneur d'un black metal qu'on devine peut-être cryptique et malsain mais assurément mélodique, à la manière de nombreuses hordes noires dont la hampe mouille dans l'eau du pays des milles lacs. S'il y a un peu de tout cela dans cette entité opaque (nous y reviendrons), l'art noir ici sculpté ne braconne ni sur les terres menstruelles d'un Anal Blasphemy ni sur celles païennes et atmosphériques d'un Wyrd par exemple. Il arpente des boyaux ténébreux chargés d'émanations mortifères mais cultive tout du long une troublante ambivalence qui le rend insaisissable.
Souvent torrentiel, l'opus imprime pourtant un tempo entêtant dont les vecteurs sont ces riffs rouillés aussi obsédants que grésillants, témoin ce 'Morphosis' qui dresse pendant plus de dix minutes une hampe pesante gonflée d'une semence venimeuse, multipliant les va-et-vient dans une obscurité sinistre. Soutenue par une batterie métronomique, la guitare a quelque chose d'un scalpel ferrugineux creusant dans la peau de profonds stigmates. Tentaculaires, les titres affichent pour la plupart des durées conséquentes, ce qui ne les exonère pourtant ni d'une vélocité mordante ni d'une force implacable à l'image des 'Obscure Dreamworlds' et 'Pure' dont la colonne vertébrale est à nouveau constituée par cet alliage empoisonné entre rythmique quasi martiale et griffures lancinantes.
Mais, source d'atmosphères noires comme le contenu d'un encrier, ces lignes de guitares peuvent aussi faire jaillir la lumière, ce que la longue amorce de 'Repugnant' illustre. De même, les pistes ambient qui jalonnent le menu ('Stagnant'), loin d'épandre une mélancolie charbonneuse, suintent au contraire une beauté mélodique que nimbe toujours cependant un pâle voile de tristesse. Quant au chant, il fouille les ténèbres en vibrant d'une négativité lugubre.
Ni vicié et tentaculaire ni dépressif, Odious Devotion est pourtant tout cela à la fois, empruntant un dédale où une noirceur souterraine dispute le terrain à des mélodies rampantes et hypnotiques. Premier signe de mort d'une mystérieuse bestiole, l'œuvre impressionne déjà par sa maîtrise.