THE ROLLING STONES: Tattoo You (ROCK) : avis / chronique à lire sur Music Waves

En dehors du sursaut représenté par "Some Girls" (1978), il faut bien reconnaitre que les Rolling Stones semblent être sur une pente savonneuse depuis "Goats Head Soup" (1973), dernier opus digne des légendes du Rock. Cette chute lente mais évidente est doublée d’une rupture entre Mick Jagger et Keith Richards qui ne se supportent plus. Alors qu’ils se préparent pour une tournée des stades, les Stones n’ont aucun album à promouvoir et les Glimmer Twins n’ont rien écrit depuis longtemps. Face à l’incompatibilité d’humeur entre les deux leaders du groupe et afin de faire face à l’impératif d’offrir une livraison discographique avant la tournée à venir, Chris Kimsey, leur ingénieur du son depuis quelques opus, a l’idée de ressortir des tiroirs quelques titres non retenus pour les précédents disques. Après un rafraichissement de ces titres par les membres du groupe, si possible en évitant de se croiser en studio, "Tattoo You" parait enfin en 1981 et va connaitre un parcours pour le moins inattendu pour ce qui n’est à la base qu’un recueil de morceaux jugés pas assez bons pour les précédents albums.

Premier single au riff et au refrain devenus des emblèmes du Rock, ‘Start Me Up’ en est la parfaite démonstration. Composé pour "Black And Blue" (1975), il était un reggae à la base, avant de devenir un rock pendant les sessions de "Some Girls" sans être retenu pour autant au final. Voilà une histoire totalement improbable lorsque l’on regarde l’hymne que ce titre est devenu. Il lance une première partie d’opus composée des titres les plus dynamiques de ce "Tattoo You", pour ce qui est la face A de la version vinyle. Et il y a ici de quoi démonter quelques articulations avec une énergie positive et communicative. Entre les rocks endiablés (‘Hang Fire’) et teigneux (‘Neighbours’, malgré le mix insupportable de sa caisse claire), Keith Richards nous dégaine une de ces pièces roots aux paroles vicieuses dont il a le secret (‘Little T&A’). ‘Slave’ se fait plus lancinant et reptilien et bénéficie d’un des soli de saxophone dont Sonny Rollins parsème l’opus. Enfin, bien que d’un grand classicisme, ‘Black Limousine’ fait office de blues de service sans pour autant manquer d’accroche et d’efficacité.

La seconde partie (face B) fait quant à elle dans le suave et l’apaisé. Mick Jagger en profite pour ressortir son falsetto sur un ‘Worried About You’ captivant avec ses variations d’intensité et de chant, ou sur un ‘Heaven’ aérien et aux effluves psychédéliques. A noter le solo rutilant que Wayne Perkins vient poser sur le premier nommé. ‘Tops’ joue également sur les nuances et bénéficie d’un refrain accrocheur, alors que ‘No Use In Crying’ se fait à la fois plaintive et envoûtante. Enfin, ‘Waiting On A Friend’ vient conclure l’ensemble comme ‘Start Me Up’ l’avait lancé, single imparable dont le refrain vous hante pendant des jours et des jours. Ballade folk-rock mélancolique et légère, elle est une nouvelle fois illuminée par un superbe solo de Sonny Rollins et ne laisse pas deviner l’ambiance délétère qui règne entre les deux têtes pensantes du groupe.

Aussi improbable par son format qu’inattendu par sa qualité, "Tattoo You" redonne espoir aux amateurs des Rolling Stones en rappelant que ces derniers sont toujours capables d’offrir des titres de rock à la fois insolents et rutilants. En attendant que les deux leaders du groupe trouvent un chemin vers la réconciliation, condition visiblement indispensable au retour d’une inspiration en souffrance, cet opus fait office de bouffée d’air frais ou de bouée de sauvetage, selon les points de vue. Reste à souhaiter qu’un album de nouvelles compositions vienne valider ce retour en grâce des légendes vivantes.

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