Herrschaft , comme son nom l'indique, est bel et bien un groupe français. Pourtant ce patronyme allemand semblait une évidence : à l'écoute du premier album, c'est bien dans les pas de Rammstein qu'il veut progresser. Pour éviter de verser dans le plagiat, Herrschaft a tenté de se démarquer en adoptant quelques mimiques proches du black metal. ''Les 12 Vertiges'' sorti en 2013 révélait quelques étincelles de qualité entre plusieurs court-circuits plombants. 6 ans plus tard, après une compilation, Herrschaft nous revient avec une invitation à un souper où trône le roi des animaux.
Les oreilles fines et délicates risquent d'être fortement ébranlées. Après six ans d'absence, c'est comme si Herrschaft nous prouvait qu'il avait un appétit d'ogre. Derrière les guitares et les basses se cachent l'inquiétant Zoé. Ses envolées de guitare sont démentielles : il se montre expert dans l'art de trancher des quartiers sanguinolents de chair ('Le Festin Du Lion', 'New World Order', 'Technosatan' et son crescendo tétanisant). Deuxième ingrédient de ce festin, l'apport industriel de rythmes electro légèrement sautillants qui s'ils ne neutralisent pas l'ambiance sinistre permettent de verser dans un irréel fantasmagorique. Présent sur un précédent EP, 'How Real Men Do' avec son riff de claviers aussi minimaliste que délirant pourrait prendre plaisir à dynamiter le Top 50 à coups de feux d'artifice sonores. 'New World Order' s'envole au-dessus d'une mêlée de tronçonneuses, 'Behind The Smokescreen' brille comme un carnaval de lumière avec ses claviers sales tandis que 'The Great Fire', proche de Shaârgoth, vise à rendre l'auditeur fou par ses sonneries de téléphones et hurlements.
Le principal grief sur l'album précédent, à savoir un chant peu convaincant et artificiel, a été résolu : Herrschaft a changé de chanteur ! Le dénommé Max apporte un peu de cynisme à la saleté ('Technosatan', 'Under The Fire'), une théâtralité schizophrène qui illustre à merveille la pochette où le maître de ce monde semble peu enclin à accueillir de nouveaux adeptes. Toutefois, on sent quelques velléités à reprendre un chant un peu artificiel comme son prédécesseur. En particulier lorsque le débit se ralentit sur 'White Russians', l'origine se fait criante. Ce dernier morceau fait référence à d'autres allemands, ceux de Camouflage et de leur tube 80's, 'The Great Commandement'. Sur le titre éponyme curieusement chanté en français, il cède le micro à El Worm (Wormfood), un retour à une voix écorchée, pas très convaincant (on appréciera à l'inverse le long instant de flottement avant l'orgie sonore finale).
Même si l'album ne dure que 43 minutes, le groupe aurait pu envisager quelques coupes. Certains morceaux, bien que travaillés alourdissent l'ensemble, en adoptant le pilotage automatique comme 'But I Know' ou 'Hate Me' où le chant féminin manque cruellement de subtilité et de charme. Heureusement, passés ces quelques instants d'incertitude, Herrschaft nous offre des moments comme si le temps n'arrivait plus à faire son œuvre (les chœurs féminins de 'Technosatan', 'How Real Men Do' et son piano majestueux, 'Stray Dogs' et ses chœurs de moines diabolique).
Herrschaft ne nous laisse pas sur notre faim six ans après son dernier plat. Le duo parisien nous a concocté une recette qui fonctionne sur la durée grâce à certains ingrédients secrets qui réussissent à nous mettre l'eau à la bouche. On passera un coup de torchon sur les quelques défauts qui émaillent cet album, mais on peut le dire, après ''Le Festin Du Lion'', on s'attend à un plat de résistance digne de ce nom.