Parfois la musique est un peu comme Rendez-vous en terre inconnue, cette émission où on embarque une célébrité les yeux bandés dans un avion vers une destination dont elle ne connaît ni le lieu ni la civilisation qui va l'accueillir. Le principe est à la fois flippant et intense à vivre et souvent la "victime" n'en ressort pas indemne. Ici à Music Waves nous proposons la version audio de cette émission car c'est un peu l'équivalent que nous avons vécu avec l'écoute de "The Gereg" du groupe The Hu. On tend un peu l'oreille et on se pose la question de savoir quel est ce combo qui chante dans une langue inconnue et qui agrémente sa musique d'instruments qui sortent de l'ordinaire.
The Hu est un groupe originaire de Mongolie et adopte un style par essence très marqué par la fusion entre le metal et la musique traditionnelle de son pays. Il s'est fait connaître en postant des vidéos de deux titres qui ont totalisé 18 millions de vues. La puissance d'internet a conduit le label anglais Eleven Seven à le signer pour la sortie de ce "The Gereg". Si les titres des morceaux sont en anglais, le chant est dans la langue d'origine (khöömii) ce qui ajoute à l'exotisme de l'objet. La musique pioche son inspiration dans le metal de l'ouest (Rammstein, Sepultura, System Of The Down...), bousculé dans ses certitudes par des instruments traditionnels comme le Morin Khuur (violon à tête de cheval), le Tovshuur (guitare mongole), le Tumur Khuur (harpe à mâchoires), le chant guttural et les basses et tambours du rock.
L'auditeur est donc invité à un voyage au cœur de la civilisation mongole, de l'Empire hunnique (375-484) dans lequel il va rencontrer Chinggis Khaan, le rapport avec les loups... Si le mélange annoncé s'annonce périlleux, autant le dire, il fonctionne relativement bien. L'introductif 'The Gered' fait presque pop guerrière et pose les jalons de ce que sera l'album. La langue et le chant se veulent menaçants dans les couplets et le refrain martial avec une rythmique qui épouse celle d'un cheval au galop. 'Wolf Totem' adopte une ambiance tirée du folklore mongol et accentue ce côté armée avec le tovshuur très mis en avant qui souligne une batterie métronomique. Le titre se situe plus dans la tradition, moins européen.
Les membres de The Hu savent partager leur histoire et se muent en conteurs de légendes dans le morceau 'The Great Chinggis Khaan' avec des couplets relativement dépouillés secoués par un refrain plus dense. Ce titre est un grand moment que l'on écoute comme des enfants sages hypnotisés par ces musiciens venus d'un autre monde. Le style se veut moins metal qu'il n'y paraît au regard des références citées, les Mongols réussissant leur objectif de créer un son qui leur est propre, à savoir du Hunnu rock. Si la démarche prête à sourire, elle finit par fasciner tant le projet est bien composé et interprété. C'est ce qu'on ressent à l'écoute de l'endiablé 'Yuve Yuve Yu' aux lignes de chant qui surprennent par leur teneurs plutôt joyeuses tranchant avec l'ensemble de l'album, mais qui au final se révèlent prenantes et bienvenues.
L'apport de plusieurs voix et d'instruments à la fois classiques et traditionnels contribue à donner une coloration presque progressive à l'ensemble surtout dans le magnifique 'Song For A Woman' à la lente montée en puissance dans laquelle se rejoignent l'Est (l'Asie) et l'Ouest (l'Europe) avec un violon presque celtique, cette langue si particulière et cette manière de chanter que l'on sent hargneuse, la harpe qui allège la composition.
"The Gereg" est donc à prendre au sérieux même si il a de quoi surprendre voire déstabiliser nos certitudes. La démarche semble sincère, originale et très marquée (peut-être un peu trop). Vivez donc un rendez-vous en terre inconnue avec "The Gereg" de The Hu. Laissez-vous envahir par ce mélange de metal et de musique traditionnelle mongole tout aussi incongru qu'efficace.