Malgré le poids des valeurs qui le cimente et l'intégrité affichée, le black metal n'est pourtant pas imperméable aux querelles intestines, aux divorces fracassants. Après Gorgoroth ou Immortal, c'est ainsi au tour du plus confidentiel Batushka de voir ses deux têtes pensantes s'entre-déchirer. Remarqués grâce à un seul album, "Litourgiya", trois ans plus tard, rien ne va plus entre Krzysztof Drabikowski (son fondateur et guitariste) et le chanteur Bartolomej Krysiuk (par ailleurs patron du label Witching Hour Productions), le premier ayant décidé de virer le second. Et alors qu'elle se poursuit désormais sur le plan judiciaire, cette bataille aboutit à l'existence de deux entités nommées Batushka (!), puisque le chanteur s'est mis en tête de poursuivre l'aventure sous cette bannière commercialement juteuse.
Alors que la situation n'est déjà pas très claire, les Polonais n'ont rien trouvé de mieux que de dégainer chacun leur album ("Панихида" pour Kris et "Hospodi" pour son ancien comparse) à deux mois d'intervalle, en usant qui plus est de visuels d'inspiration orthodoxe assez proches l'un de l'autre. Au moins, les fans peuvent-ils maintenant savourer deux groupes pour le prix d'un. Encore que cette affaire un brin rocambolesque pour ne pas dire ridicule impose de faire un choix entre le vrai Batushka et le faux. Nombreux sont ceux à avoir déjà choisi leur camp, celui de Krzysztof Drabikowski dont le Батюшка semble à la fois plus intègre et spirituellement proche de la formation originelle.
A contrario, la version proposée par le chanteur s'en éloigne en misant moins sur la noirceur que sur une grandiloquence théâtrale à grands coups de chœurs échappés des derniers Rotting Christ (' Dziewiatyj czas'). L'âme du groupe est donc totalement absente de ce "Hospodi" trop lisse pour passer pour autre chose qu'une copie délavée du Batushka primitif. Est-ce à dire toutefois que cet opus est indigne ? Que nenni car il faut reconnaître que dans ce registre plus facile sinon commercial (' Polunosznica'), Bartolomej se fend d'un ensemble envoûtant, souvent sombre, toujours pulsatif (' Powieczerje') où sa voix écorchée s'accouple avec une efficace beauté à ces chœurs épiques et ces lignes de guitares finement aiguisées ('Utrenia').
Le résultat vibre d'une force opératique, dévidant une liturgie néanmoins plus ensorcelante qu'obscure. Et s'il dresse par moments une dureté plus agressive, témoins 'Pierwyj Czas' et 'Tretij Czas', l'accent est surtout mis sur les atmosphères et les mélodies, cependant parfois ténébreuses, plus que sur le tranchant d'une négativité qui en est totalement éconduite.
Malgré la belle tenue de ce (faux) successeur de "Litourgiya", il est permis de se demander quel sera l'avenir de ce Batushka là tant on voit mal deux groupes continuer longtemps leur carrière en utilisant le même nom et ce d'autant plus que le vrai Batushka se loge ailleurs, du côté de Krzysztof Drabikowski qui reste incontestablement le dépositaire de son âme.