On ne compte plus le nombre de groupes ou projets qui sont issus de Rhapsody première version. Au fil de moult détours, problèmes de copyright, désaccords, départs, splits... il y a eu Rhapsody Of Fire, Lucas Turilli's Rhapsody, Lucas Turilli's Dreamquest... Avec ce Turilli/Lione's Rhapsody, voici l'énième formation, clone du groupe originel, née suite à l'invitation faite à Turilli par Lione pour participer aux concerts dans le but de fêter les vingts ans de Rhapsody. Ce n'est donc pas à la cinquième symphonie que l'auditeur aura droit mais au minimum à la cinquième Rhapsody.
Si cette évolution de nom n'est pas simple à suivre, celle-ci a épousé également une progression musicale car il faut dire qu'aux débuts, Rhapsody ne faisait pas dans la dentelle, émaillant son œuvre d'une base épique souvent étouffante jusqu'à l’écœurement, usant jusqu'à la corde les thèmes Héroïc Fantasy faits de dragons et de paladins pourfendeurs de peaux écaillées. Depuis, Lucas Turilli a mis de l'eau dans son chianti essayant d'apporter à ses compositions un peu plus de subtilité avec des thèmes différents.
L'auditeur sensible au genre retrouve donc dans cet album naturellement cette grandiloquence, certes propre au style mais toujours poussée à son paroxysme avec l'Italien, avec toutefois des sons et des orientations plus modernes pour dépoussiérer un metal symphonique endormi. Dès l'ouverture, les samples situent l'album dans un domaine plus SF auquel se greffent des chœurs féminins et une puissance qui arrive très (trop) vite, donnant l'impression que ce choix ne laisse pas le temps à l'histoire de s'installer. 'Phoenix Rising' est un titre un peu fourre-tout où se croisent le classicisme, des parties electro, le calme et la tempête avec peu de nuances surtout avec une production qui apparaît un peu étouffée. Ce modernisme se retrouve à plusieurs endroits de "Zero Gravity", notamment dans l'énergique 'Fast Radio Burst' avec ses couplets épiques que vient accentuer un refrain qui ne l'est pas moins mais dont l'architecture contient des transitions manquant de fluidité.
Au jeu des influences, ce n'est une surprise pour personne que Lucas Turilli aime Queen et il le lui rend bien, surtout dans la ballade 'Amata Immortale' au piano agrémentée de cette base d'opéra chère à Freddy Mercury, mais encore plus dans 'I Am' avec son passage de quelques secondes éhontément calqué sur 'Bohemian Rhapsody'. Il faut reconnaître que si l'ensemble de l'album manque parfois de nuances, le but d'apporter au projet une connotation cinématographique est plutôt réussi.
Si la volonté du duo Turilli / Lione était de faire rentrer le metal symphonique dans le XXIème siècle, c'est en partie un pari gagné grâce au choix d'un thème qui fait oublier ceux usés jusqu'à la corde, propice à des sonorités plus actuelles. Cependant, l'album contient encore trop de gimmicks anciens comme quelques parties noyées dans une volonté dans de trop en faire, manquant de lisibilité et surtout d'une touche d'humilité. Gageons que le prochain album gommera ces quelques réserves.