Quand Gary Werkhamp et Mark Zonder décident de collaborer, vous pouvez être sûr que Music Waves ne fera pas l’impasse. Pourtant il aura fallu le dénicher, ce premier album de ces deux signatures du metal progressif américain car aucune promotion ou presque ne nous aura informés de l’imminence de la sortie de "If It’s Real".
Juxtaposer ces deux noms sur une pochette provoque la salivation de l’amateur qui va très facilement imaginer une musique complexe et puissante sous la forme d’une nuance des couleurs primaires Fates Warning et Shadow Gallery. Eh bien, ce n’est pas du tout le cas de cette collaboration qui se veut très pop et un peu rock. Effectivement, ne cherchez pas les longs développements et les riffs adamantins dont les travaux antérieurs des deux musiciens sont marqués. Ici tout est histoire de subtilité, d’émotions et de délicatesse avec une dizaine de titres très majoritairement mid-tempo, voire ballade, aux sonorités et à l’écriture rétro.
Choix pour le moins audacieux que cette option de la part de Zonder et Werkhamp d’utiliser une partie des codes de l’AOR des années 80, de la mélodie romantique aux solos hyper réverbérés, des sons douteux de claviers aux percussions synthétiques, et de les associer à des instruments plus organiques (arrangements classiques, piano, guitare et batterie acoustiques). Zonder et Werkham assument, et c’est sans doute cette sincérité qui participe à rendre ce disque attachant. Car bien qu’un sourire se dessine sur les lèvres de l’auditeur, impuissant face au réflexe que lui provoque le refrain de ‘I Can’t Believe’ ou la batterie de ‘Too Late’ et ‘I’d Do Anything’, on se laisse prendre au jeu de ces compositions mélodiques, bien menées et à la satisfaction immédiate.
Dans "If It’s Real", il y a une judicieuse adéquation entre les formats mid-tempi réconfortants et la tonalité générale entre mélancolie et noirceur dont les titres les plus marquants sont ‘I’d Do Anything’ (petit jeu de l’été : trouver à quel titre ce refrain fait irrémédiablement penser), ‘Last Place’ aux accents de Toto, ‘The Next Big Thing’ et ses interventions de guitare acoustique ou ‘If It’s Real’ aux légères orchestrations. Il y a néanmoins trois titres qui permettent au disque de ne pas s’enfoncer dans trop de ouate. Tout en restant sagement affiliés à leur démarche inoffensive, les deux Américains réveillent leur fibre rock de sa torpeur dans ‘Too Late’, qui n'aurait pas juré sur un album de Shadow Gallery, ‘It’s Not The End’ et le titre le plus heavy de l’album, ‘Two Years’.
La réputation d’élégance de composition et de finesse harmonique de Gary Werkhamp n’est plus à faire et ce "If It’s Real" en est une démonstration de plus, bien que le style et certains choix puissent surprendre au premier abord. La petite histoire raconte qu’initialement la collaboration des deux compères étaient axée sur ce que l’on pouvait attendre intuitivement, à savoir du metal progressif. Mais c’est en abordant un morceau plus pop et mélancolique que le duo a décidé d’orienter l’album vers une couleur intimiste que l’on retrouve majoritairement dans "If It’s Real". On ne peut néanmoins s’empêcher d’imaginer ce qu’aurait pu donner une telle association si l’orientation initiale du duo n’avait pas été déviée.