Nous avions quitté Perry Farrell sur le dernier album de Jane’s Addiction, "The Great Escape Artist", en 2011 et depuis aucune nouvelle. L’Américain, toujours accompagné de Madame, revient avec un nouvel album solo produit et mixé par Tony Visconti, réputé pour ses collaborations avec le regretté David Bowie, et une flopée de musiciens issus de divers groupes comme Matt Chamberlain et Taylor Hawkins respectivement batteurs de Soundgarden et Foo Fighters ou le guitariste de Bon Jovi Phil X.
Ce collège hétéroclite de musiciens reflètent la diversité qui règne sur "Kind Heaven", un album qui aborde une multitude de sujets, des plus frivoles comme le sexe aux plus sérieux comme la politique, sous l’angle de chansons elles aussi hétéroclites. Ce n’est pas une nouveauté de la part de Perry qui s’amuse régulièrement à donner une définition extensive de sa musique en pigmentant une base pop-rock de variantes psychédéliques, alternatives ou electro. "Kind Heaven" débute par une filiation aux antécédents de Perry avec le rythmé ‘(red, white, and blue) Cheerfulness’ qui fait référence à Satellite Party, le mono-projet avec Nuno Bettencourt à la guitare, et ‘Pirate Punk Politician’ à la densité alternative proche de Jane’s Addiction. Une entame prometteuse qui se poursuit sur d’autres modalités avec le jazzy ‘Snakes Have Many Hips’ qui aurait pu être composé pour le prochain James Bond, le sensuel et electro-rock ‘Machine Girl’ et le décousu funky-folk ‘One’, tous deux chantés en duo avec sa femme Etty.
Pour la suite Perry va jouer sur la combinaison des éléments déjà utilisés jusque-là avec des accents jazz dans la ballade ‘More Than I Could Bear’ au superbe solo de guitare d'Elliot Easton, la coloration electro dans un ‘Spend The Body’ au refrain agaçant et qui se termine en cacophonie et ‘Where Have You Been All My Life’ un peu trop expérimental pour convaincre totalement. Une autre caractéristique forte de "Kind Heaven" souligne l’apport de Visconti dans les moments les plus amples et orchestrés. Les orchestrations garnissent avec finesse ‘Snakes Have Many Hips’ pour lui donner son côté dramatique et appuient la grandiloquence de l’onirique ‘Let's All Pray For This World’ aux chœurs fédérateurs. De plus, le travail sur les instrumentations apporte parfois le principal intérêt aux morceaux comme dans ‘More Than I Could Bear’ ou ‘One’ largement porté par les arrangements.
"Kind Heaven" est un disque plaisant à écouter, de meilleure tenue que son dernier album solo, l’insipide techno-ambient "Song Yet To Be Sung" sorti il y a dix-huit ans, ce qui est déjà un motif de satisfaction. La grande diversité de ces compositions aurait pu s’avérer un frein à l’écoute, du fait du manque cohérence de l’ensemble, mais de par sa courte durée d’une demi-heure et sa tonalité de pop légère, la variété de "Kind Heaven" fait plutôt sa force. Pour les amateurs de Perry Farrell, dont le chant et le personnage ne font pas l’unanimité, ce retour sera une nouvelle bien accueillie et divertissante et peut-être, sait-on jamais, un déclencheur pour relancer son groupe phare.