A la mort de Rick Parfitt en 2016, il était difficile d’imaginer que Status Quo poursuive sa carrière. Et pourtant, il fallait encore une fois se référer au poncif ‘les légendes ne meurent jamais’. Sans perdre de temps, Francis Rossi recrutait l’Irlandais Richie Malone (RAID) et repartait en tournée. Encore plus inattendu, voici qu’un 33ème album intitulé "Backbone" déboule dans les bacs, le premier sans Rick Parfitt. Ce terme signifiant la colonne vertébrale dans la langue de Shakespeare, il est possible de se demander à quel élément de l’histoire du Quo il fait référence. Dernier survivant de la formation d’origine, Francis Rossi se considère-t-il, à juste titre, comme l’épine dorsale du quintet ? Ou bien ce titre fait il référence à l’expression "avoir une colonne vertébrale" qui signifie avoir un caractère affirmé et être capable de se battre pour ses convictions ?
La Normandie n’étant finalement pas très éloignée de l’Angleterre natale de Status Quo, il est possible de répondre ‘un peu les deux’. En effet, il ne fait aucun doute sur le fait que le guitariste / chanteur est désormais le seul maître à bord du navire. Et si chaque membre du groupe est présumé avoir participé à l’écriture des 11 titres qui remplissent ce "Backbone", il est le seul crédité avec son éternel acolyte Bob Young, le sixième membre non officiel du Quo. De plus, c’est dans ses studios que cet opus a vu le jour et a été enregistré. En effet, alors que le groupe était censé seulement se réunir pour jouer ensemble, c’est de façon non programmée que les nouveaux titres sont nés de ces sessions.
Quant au caractère affirmé, c’est sans surprise que Status Quo fait du Status Quo. Sans surprise mais pas sans talent car, après tout, pourquoi le quintet modifierait-il une recette qu’il a lui-même élaborée et rendue célèbre ?
Au même titre qu’un AC/DC ou un ZZ Top, la légende londonienne est reconnaissable dès les premiers accords d’un ‘Waiting For A Woman’ qui ouvre tranquillement les hostilités tel un diesel se mettant en route et commençant à nous faire gentiment tapoter du pied. ‘Cut Me Some Slack’ appuie sur l’accélérateur en se faisant plus rock et accrocheur avec son riff imparable et son joli solo. La machine est lancée et elle ne s’arrêtera plus qu’après un ‘Running Out Of Time’ toujours aussi classique pour le Quo, mais mariant mélancolie, optimisme et efficacité avec délicatesse et maîtrise. Alors bien sûr, Rossi et sa bande recyclent régulièrement les ingrédients utilisés depuis plus de 50 ans et vont même jusqu’à utiliser des riffs rendus célèbres par d’autres. C’est le cas sur le single ‘Liberty Lane’, positif et énergique avec son piano bastringue mais aux forts accents du ‘Let’s Spend The Night Together’ des Rolling Stones. Quant à l’irrésistible et fédérateur ‘I See You’re In Some Trouble’, il donne furieusement l’impression à l’auditeur de s’être trompé d’album et d’avoir lancé le ‘Hold Me Back’ d’AC/DC présent sur "Stiff Upper Lip" (2000). Pourtant, la sauce prend bien et procure un plaisir incontestable qui fait du nouveau venu une réussite aussi inattendue qu’enthousiasmante.
Sans atteindre les sommets de la période faste des années 70-80, ce "Backbone" n’en est pas moins un excellent cru. Il parait qu’en cuisine, les plats en sauce sont meilleurs à chaque fois qu’on les réchauffe. Aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est également le cas ici avec un opus qui ne sera pas révolutionnaire mais qui apportera un plaisir incontestable à tous les amateurs de cette légende britannique qui n’a pas l’intention de mourir. En tout cas, pas tout de suite. Et si c’est pour nous offrir des galettes de cette qualité, nous ne pouvons que souhaiter qu’elle continue encore longtemps.