Trois ans après un "Fire On The Floor" (2016) qui l’a vue monter un nouvel échelon en matière de reconnaissance, et un "Black Coffee" (2018) qui a enfoncé le clou aux côtés de Joe Bonamassa, Beth Hart est de retour avec son nouvel opus solo, le dixième en studio, intitulé "War In My Mind". Cette guerre dans l’esprit de l’artiste, c’est celle qu’elle livre à ses démons, à sa maladie, à ses blessures, et si Beth Hart a toujours été une artiste honnête et authentique, elle se livre ici comme rarement. Produit par Rob Cavallo (Green Day, My Chemical Romance, Alanis Morissette…) avec qui elle avait failli travailler sur "Leave The Light On" (2003), ce nouvel opus risque de faire date dans la carrière de la star du blues-rock et tout simplement dans l’histoire de ce genre musical.
Après une entrée en matière dynamique aux accents pop-jazz qui ne sont pas sans rappeler Jamie Cullum (‘Bad Woman Blues’), ‘War In My Mind’ n’est que la première ballade d’un album qui en est composé pour plus de la moitié de ses titres. Beth Hart se confie sur sa bipolarité en offrant une œuvre mélancolique et torturée alternant plongées dans le désespoir et envolées pleines d’espoirs. Car c’est la double force de cet opus qui fait à la fois preuve de profondeur et de variété malgré son nombre élevé de titres calmes. En effet, calme ne veut pas dire monotone et aseptisé, et l’artiste le prouve en livrant une prestation habitée et à l’émotion alternant entre délicatesse et déchirements. Parfois jazzy et intimiste (‘Without Words In The Way’), d’autres fois à la limite du blues, du jazz et de la musique classique à la manière d’un George Gershwin en alternant les ambiances et les humeurs (‘Woman Down’), c’est sans fard qu’elle se livre.
Les pièces les plus délicates traitent de sa sœur décédée (‘Sister Dear’) avec une émotion à fleur de peau, ou de manière plus positive, de tous les remerciements que l’artiste veut offrir à ses proches, à la vie et à son créateur (‘Thankful’). Plus sombre et dramatique, ‘Rub Me For Luck’ fait preuve d’une grande intensité dramatique en alternant couplets désespérés et refrains déchirants alors que ‘I Need A Hero’ vient clôturer l’ensemble de façon un peu désabusée mais toujours délicate. Au milieu de cet océan faussement calme, ‘Let It Grow’ s’appuie sur des chœurs gospels pour une montée tout en puissance maîtrisée vers un ciel rempli d’espoirs. ‘Try A Little Harder’ traite de la dépendance aux jeux du père de Beth avec une forme d’humour enjoué dans une ambiance pop-jazz aux variations dignes de Supertramp. ‘Spanish Lullabies’ fait office de pause ensoleillée entre deux titres mélancoliques et ‘Sugar Shack’ fonce droit devant lui tel un train pop-rock énergique et accrocheur.
En douze titres variés et sans faille, Beth Hart vient de confirmer qu’elle est bien la reine du blues-rock moderne et qu’elle règne sans partage malgré toute l’humanité et l’honnêteté dont elle fait preuve dans ses chansons. Il sera très difficile de la déloger de son trône, en particulier de celui d’album de l’année qui lui tend les bras. D’ailleurs, est-il vraiment nécessaire d’essayer tant cet opus est d’une beauté aveuglante, pourvoyeur d’émotions aussi profondes qu’intenses ? Ce qui est certain, c’est qu’il faudra être le plus étanche des cœurs pour résister aux sentiments déclenchés par cette collection de titres tous plus indispensables les uns que les autres.