Souvent, la rue a ouvert la voie à des artistes reconnus publiquement. On pense immédiatement au talentueux Keziah Jones qui pendant longtemps a traîné ses guêtres dans les couloirs du métro parisien avant de connaître un succès populaire et critique incroyable et de rentrer dans le sérail de l'industrie musicale classique (label, tournée...). C'est un peu le cas pour One Rusty Band, un duo de blues formé de Greg à la guitare + percussions et de Léa qui joue de la planche à laver et fait des claquettes. La rencontre de la musique et du cirque en quelque sorte. Du fait de cette originalité, le plus grand défi pour le groupe est de faire entendre cette dimension visuelle dans la version studio de l'album "Voodoo Queen".
Rien de tel que la formation d'ingénieur du son de Greg pour arriver à un résultat plus que convenable. En effet, on aurait pu craindre que les percussions et notamment les claquettes envahissent le spectre musical de chaque morceau, mais au final l'album se trouve très équilibré. L'apport de cette multitude de pas desquels naissent ces clapotis rend l'ensemble assez frais.
"Voodoo Queen" s'imagine comme un parcours dans le blues au relief crunchy avec un dynamisme plutôt rock. L'intro instrumentale met d'emblée les choses au clair en moins de deux minutes chrono. Sur des bases de notes classiques fondées sur une guitare au son très roots, Léa se démène comme un Fred Astaire survitaminé pour apporter ces petites pointes énergiques. Tel Rémy Bricka, Greg joue de tout (guitares, percussions....) avec une très belle aisance et sa voix rauque apporte une patine tout à fait singulière à l’œuvre. Le groupe ne laisse pas le temps de reprendre son souffle et enchaîne sur un blues endiablé (‘Magic Potion’) pour laisser place à un morceau plus classique et jubilatoire (‘Boogie Woogie’) très rythmique.
Le duo offre une très belle variété de styles qui permet à l’auditeur de voyager dans les plus belles régions des Etats-Unis : la Louisiane avec un ‘I’ve Got The Devil’ qui sent bon le Bayou le plus humide et l’ambiance vaudou sombre et démoniaque, ou ‘I’m Lost’ tout droit issu de Bâton Rouge, mais aussi Chicago et ses bars perdus dans la brume urbaine avec le titre ‘Po Boy Blues’ qui aurait très bien pu figurer dans les Blues Brothers, ou bien la Californie qui sent la poussière du désert et sa chaleur (‘Spanish Desert’) très tarantinesque. Il sait aussi apporter à ce classicisme une belle dose d’originalité avec une jolie folie furieuse (‘Sex Blood’n’Rock’n’Roll) ou bien poisseuse (‘White Trash Blues’).
Construit autour du meilleur du blues, One Rusty Band lui apporte une touche singulière sous la forme d’un duo très visuel avec l’usage des claquettes (et washboard) et propose ainsi un voyage au plus profond des USA, le pays qui a créé un genre authentique dont les pères fondateurs ont enfanté les Clapton, Joe Banamassa et bien d’autres encore... Greg et Léa en sont les petits-enfants et leur rendent un hommage très sincère qui donne envie de taper du pied (voire des deux). A écouter et à voir surtout.