Tommy Denander, guitariste et claviériste Suédois, est un garçon très actif. En plus de Radioactive et des sessions et compositions qu'il propose à des artistes variés, il avait sorti en 2003 la premier album de ce projet Deacon Street avec plusieurs vocalistes et pas mal de musiciens invités.
Il nous offre ici la suite, avec une autre kyrielle d'invités, et pas des moindres… Deux bassistes (dont Tony Franklin), quatre batteurs (dont Daniel Flores de Mind's Eye), plus de 6 guitaristes … Denander se chargeant de tous les claviers et d'une bonne partie des guitares.
Musicalement, ces treize morceaux qui tournent autour des 4-5 minutes en moyenne, s'apparentent essentiellement à un rock AOR mâtiné de hard rock, très mélodique, avec pas mal de claviers, parfois quelques boucles rythmiques, beaucoup d'harmonies vocales, et surtout des parties vocales très fortes. On pourrait dire qu'il s'agit du rock américain typiques des années 80 - fait par un Suédois ! - au sommet de sa forme ! Bref, ceux qui aiment les sons sales et aggressifs seront évidemment déçus.
Andreas Novak (Mind's Eye et artiste solo) et Thomas Vikström interprètent chacun trois morceaux, Chris Antblad est présent sur deux autres et on a également Peter Sundell sur le premier morceau, le très connu Stan Bush sur une ballade et enfin Geir Rönning pour une reprise du "Easy at it seems" de Kiss (issu du très décrié "Unmasked"). Six vocalistes c'est un peu beaucoup pour un album, mais comme les timbres de Novak, Vikström et Sundell sont relativement proches (un peu aigus, plutôt clairs, parfois légèrement voilés, mais justes et puissants), on se rend moins compte de la différence. Chris Antblad possède un registre plus grave et très clair. Stan Bush est plus éraillé, dans le genre Brian Adams (quand même moins que lui !) mais se révèle assez agréable sur la ballade plutôt acoustique "now we cry for you".
Pour les connaisseurs, les morceaux, relativement variés, pourront rappeler Journey (celui des années 80), Bad English, avec quand même beaucoup de claviers aux sons modernes, parfois des boucles rythmiques (elles prennent le pas sur quelques morceaux, avouons-le) et de belles parties instrumentales, comme sur l'irrésistible "Misery" chanté par Novak, où Denander nous fait deux soli à la Van Halen vraiment superbes. Idem sur le titre suivant plus rapide, "Action".
Ce qui est très appréciable est que Denander sait mélanger le meilleur des instruments électriques et acoustiques : guitares au son cristallin, limpide, parfois plus distordu mais clair, claviers très modernes ou reproduisant des timbres de piano et d'orgue Hammond très convaincants, batterie pleine et ronde, couplée avec des boucles rythmiques Le tout est mis en valeur par une production éblouissante… Vraiment, c'est du grand art ! Le son est à la fois très clair et plein d'ampleur (si vous aimez la réverbe sans que le paysage sonore y soit noyé, vous serez servis !), chaud et moderne, éclatant sans que ce soit excessif…
Evidemment on pourra reprocher à Denander ce côté trop parfait, bien propret… Pour d'autres - dont votre humble chroniqueur – c'est au contraire un des atouts de cet album bourré de mélodies vraiment très accrocheuses et pas seulement sur les refrains !
La fin de l'album est bien différente avec deux titres instrumentaux : "Them changes" nous permet d'apprécier toute les qualités techniques de Denander et son côté le plus rock sur un rythme assez syncopé . Quant à "Jason", c'est vraiment ce qu'on peut appeler un bouquet final, qui démarre avec boucles électro mais se transforme illico en heavy rock bien efficace, où la mélodie assez facile laisse de la place aux solos brillantissimes de certaines des plus fines gâchettes de la guitare : les fantastiques Steve Morse, Marty Friedman, Jeff Watson, Reb Beach pour commencer ! On a même Christopher Cross qui vient tâter de la 6–cordes ! Appelez ce "Jason" de l'auto-indulgence, si vous voulez, mais ça nettoie les cages à miel ! Rêvons un moment et imaginons la même distribution en live !
OK, tout ceci ne baigne pas dans l'originalité… encore qu'il n'est pas si commun de retrouver un tel mélange de virtuosité relativement discrète (du moins sur les titres chantés !), de synthés très modernes avec une musique avant tout basée sur le rock et le blues ou ce que les Américains ont appelé à un moment "arena rock" (rock pour les stades" !). Quand l'AOR est fait avec cette qualité d'inspiration mélodique, des arrangements aussi finement conçus et une interprétation aussi soignée, on peut dire "chapeau bas" ! De quoi s'intéresser aux autres productions de Tommy Denander à coup sûr !