Stéphane Desbiens est déjà un vétéran de la scène progressive canadienne du fait de sa participation à de nombreux albums, notamment avec le groupe Sense. Pour cet album sous son nom, le second après un disque entièrement acoustique paru en 1996, il a fait appel au bassiste Matthieu Gosselin (Sense), au batteur Danny Robertson, ainsi qu'à des invités prestigieux comme les claviéristes Fred Schendel (Glass Hammer), Tomas Bodin (The Flower Kings) et Martin Orford (IQ). Enfin, n'oublions pas la violoniste Sandra Poulin.
"Shimmering Lights" contient 7 morceaux plus ou moins enchaînés dont la durée va en gros de 3 à 10 minutes. On a affaire à un mélange très varié, dont les compositions souvent assez contrastées lorgnent vers des références classiques du prog, comme Genesis, Pink Floyd (deux morceaux portent nettement l'empreinte de "Dark side of the moon" et de "Wish you were here") et King Crimson (plutôt la période 80's de ces derniers, d'ailleurs) ou encore Rush, tout en intégrant des éléments venus directement du metal, du jazz et du jazz-rock (quelques solos à la Al DiMeola). La structure globale des morceaux est souvent assez complexe, pour ne pas dire déroutante de temps en temps. Desbiens est un chanteur à la voix claire, située dans les médiums, souvent calme mais qui peut aussi sonner de manière plus agressive…
Au niveau des arrangements, guitares et claviers se retrouvent plus ou moins à égalité. Côté claviers, Stéphane aime de toute évidence le mellotron (chœurs, cordes), le moog, le piano et l'orgue mais aussi des timbres plus modernes. Côté guitares, il mélange un instrument électrique conçu spécialement par lui, possédant un manche en acier inoxydable (il obtient d'ailleurs un son assez sec et métallique sur bon nombre de solos) et les guitares acoustiques ou classiques sur lesquelles il fait également des parties solistes brillantes.
"Shimmering lights" comporte seulement deux morceaux de moins de 6 minutes : le lourd et agressif "what is done is done" (3:36), seul titre vraiment typé metal moderne, qui pourra rappeler Tool, en nettement plus simple (le riff est assez basique et peu original) et le suivant aux antipodes de son prédécesseur, le très pastoral "end of the recess" (3:51) : superbe mélodie mélancolique à la guitare classique, chœurs de mellotron, avec Martin Orford pour un petit solo de moog. Les 5 autres morceaux sont nettement plus longs et récèlent de nombreuses surprises. Le morceau titre ouvre l'album de manière assez curieuse, avec deux parties instrumentales bien distinctes, l'une rappelant assez le côté répétitif de King Crimson vers "Discipline" (1981) avec plusieurs lignes de guitares imbriquées. Le reste du morceau lorgnerait plutôt vers un mélange Pink Floyd/Genesis avec une belle mélodie vocale, lente et pleine d'ampleur.
Le morceau le plus long, "September solitudes" sonne aussi comme un hybride entre les deux mêmes groupes, avec un solo de guitare lyrique soutenu par un mellotron, notamment sur l'introduction majestueuse. La première partie du morceau est une très belle ballade lente, qui pourra aussi rappeler le "Comfortably Numb" de PF où une voix féminine compléte celle de Desbiens avec de suaves harmonies. Après 4 minutes arrive une section instrumentale à la guitare acoustique, avec orgue Hammond, piano électrique et synthé du genre minimoog, qui alterne avec d'autres parties électriques plus ou moins rapides, et cela se termine par une autre partie majestueuse… symphonique mais sans prétention. Bref, une pièce alambiquée mais mélodique, très fortement instrumentale.
Le dernier titre est le deuxième incluant des élements de metal, mais un metal plutôt proche de Dream Theater cette fois, et surtout mélangé à du jazz rock (un petit solo de basse fretless) et à des passages plus doux (juste après l'intro fulgurante, c'est déjà une ambiance mystérieuse et un tempo lent !), solo d'orgue, de moog et de piano électrique par Fred Schendel, sans oublier les chœurs du mellotron !
Très difficile de donner une impression d'ensemble, car l'album, pas très long selon les standards actuels (environ 48 minutes) contient beaucoup de (très) bons moments, une certaine originalité, un certain nombre de bonnes mélodies vocales, des prouesses techniques en quantité mesurée, mais aussi quelques collages un peu incongrus, quelques ruptures un peu brusques. Mais cela reste un album très intéressant et bien fait, à découvrir pour tout amateur de progressif qui se respecte.