Amis lecteurs, si d’aventure un chroniqueur vous affirme qu’il est parfaitement objectif, vous pouvez lui sourire ironiquement. Car par nature, une chronique n’est jamais objective. Les chroniqueurs musicaux sont avant tout des passionnés, avec leurs influences, leurs styles de prédilection, leurs univers, leurs goûts et leurs oreilles (dé)formées par de nombreuses années passées à écouter un nombre incalculable d’albums dans le but d’assouvir leur amour pour la musique et sa transmission. Cela dit, la subjectivité n’empêche pas le professionnalisme. Et si cette chronique du tout premier album d’Altesia est forcément subjective, je vous garantis qu’elle ne l’est ni plus ni moins que toutes les autres. Inutile donc de me taxer de copinage car, malgré les liens qui unissent Altesia à Music Waves, "Paragon Circus" n’a subi aucun traitement de faveur, à part celui de tourner en boucle dans mes enceintes, presqu’aussi surprises que moi d’entendre ce qu’il faut bien appeler la révélation de cette fin d’année.
Dans le milieu de la musique, il est un lieu commun qui a la vie dure : les chroniqueurs seraient des musiciens frustrés, contraints de juger le travail des autres, n’étant eux-mêmes pas suffisamment talentueux pour franchir le pas de la création d’un album. Altesia, comme beaucoup d’autres groupes avant lui, vient pulvériser ce cliché de la plus belle des manières.
Le groupe bordelais est le projet de Clément Darrieu. Clément est chroniqueur pour Music Waves et vu la qualité de "Paragon Circus", nous n’en sommes pas peu fiers. Chanteur, multi-instrumentiste et compositeur méticuleux, Clément est avant tout un musicien passionné. Il a peaufiné dans les moindres détails pendant deux ans la composition de ce premier album, avant de trouver le line-up qui saura l’accompagner pour interpréter sa vision d’une musique progressive riche, intense et toujours mélodique, à la frontière du rock et du metal.
La musique d’Altesia est nourrie de nombreuses influences, dont les principales sont sans conteste Opeth (‘Pandora’), Haken (‘Amidst The Smoke’) et dans une moindre mesure Dream Theater (‘Reminiscence’). Passées par le prisme du talent de Clément Darrieu, elles sont avant tout une source d’inspiration au service de sa personnalité artistique affirmée, qui conjugue brillamment fraîcheur et maturité au fil de compositions savoureuses et éclectiques.
Album concept traitant de l’auto-destruction de l’homme dans notre société moderne individualiste, "Paragon Circus" surprend sans cesse l’auditeur par la justesse de ses transitions et par la variété de ses ambiances à l’intérieur d’un même morceau, comme sur le fabuleux ‘Cassandra’s Prophecy’, epic de près de 18 minutes, où le rock progressif le plus mélodique côtoie la puissance du metal au fil de changements d’atmosphères jouissifs. Cet éclectisme est soutenu par l’intervention d’instruments originaux, notamment le violon (‘The Prison Child’, ‘Cassandra’s Prophecy’) et le saxophone (‘Reminiscence’), et par un chant growl discret en arrière-plan qui vient pimenter judicieusement certains passages vocaux (‘Hex Reverse’, ‘Cassandra’s Prophecy’).
Tout le talent de Clément Darrieu s’exprime dans son chant clair chaleureux et enveloppant et dans sa superbe voix de tête (‘Hex Reverse’), qui sait quand il le faut céder la place à de longues plages instrumentales particulièrement inspirées, sur lesquelles les musiciens d’Altesia peuvent exprimer tout leur talent. Des claviers précis d’Henri Bordillon au travail (poly)rythmique rigoureux de Yann Ménage en passant par les solos de guitare techniques et inspirés d’Alexis Casanova, tous contribuent à la richesse impressionnante des compositions de "Paragon Circus".
Avec ce premier album qui a tout d’un coup de maître, Altesia fera le bonheur de tous les amateurs de rock et metal progressif. D’ores et déjà, "Paragon Circus" révèle au grand jour tout le talent de son auteur Clément Darrieu. Bravo gamin ! Je t’encourage à me donner encore de nombreuses claques comme celle-ci.