S’il est un reproche régulièrement fait à Airbourne, c’est l’absence totale de changement. Loin de se calmer avec "Breakin’ Outta Hell" (2016), les attaques s’étaient au contraire intensifiées. Pourtant, dès 2017, un véritable cataclysme a secoué le quatuor australien dont le line-up était un modèle d’unité et de stabilité. Préférant rejoindre l’entreprise familiale, David Rhoads quittait le gang des frères O’Keeffe et c’est Matthew Harrison (Palace Of The King) qui prenait sa place pour former une nouvelle paire guitaristique avec Joel. Ce changement a-t-il eu l’effet d’un électrochoc ? Toujours est-il qu’Airbourne a décidé d’enregistrer son nouvel opus à Nashville sous la direction du légendaire Dave Cobb (Europe, Rival Sons, Dolly Parton, Whiskey Myers…). Capté en condition live, "Boneshaker" est annoncé comme un retour aux racines du genre avec ses 10 titres pour 30 minutes.
Les conditions d’enregistrement ont donc favorisé la capture de l’énergie hors norme du combo de Warrnambool qui se fait encore plus direct que d’habitude. La musique des Australiens n’a pas foncièrement changé et l’ombre des grands frères d’AC/DC est toujours aussi prégnante. Difficile de ne pas entendre du ‘Girls Got Rhythm’ dans ‘Backseat Boogie’, du ‘Whole Lotta Rosie’ dans ‘Blood In The Water’ ou du ‘Let There Be Rock’ dans ‘Rock’n’Roll For Life’, et de telles similitudes vont encore donner du grain à moudre aux détracteurs du groupe. Les refrains sont particulièrement accrocheurs (‘Boneshaker’, ‘She Gives Me Hell’) et les riffs ravagent tout sur leur passage (le teigneux ‘Burn Out The Nitro’ ou l’épileptique ‘Switchblade Angel’) : on se prend à rêver qu’Angus Young et sa bande reviennent une dernière fois pour nous servir un opus de cette trempe.
Pourtant, malgré cette filiation hyper évidente, Airbourne trouvera encore grâce aux yeux de votre serviteur et de tous les amateurs du genre tant l’authenticité des frangins O’Keefe et de leurs compères est évidente et tant leur énergie est communicative. Favorisé par le format privilégiant l’efficacité, chaque titre touche directement au but et met les articulations à rude épreuve. Et puis il serait injuste de ne pas faire cas des quelques évolutions proposées ici. Il y a d’abord le chant de Joel qui ne fait plus dans le gueulard en permanence. Sur le plus bluesy ‘This Is Our City’ ou sur ‘Blood In The Water’, il se fait plus hâbleur et se place alors dans un registre qu’il est possible de situer entre Bon Scott et Blaine Cartwright (Nashville Pussy). Et puis il y a cet OVNI qu’est ‘Weapon Of War’ : lancé par une bande son semblant tirée d’un film, ce titre se fait lourd et sombre, déchiré par des changements de tempo aussi inattendus qu’efficaces.
Une fois encore, le nouvel opus des Australiens va diviser les amateurs entre les tenants d’une philosophie prônant l’originalité à tout prix et ceux privilégiant l’efficacité et l’authenticité. Ces derniers auront peut-être un peu plus de chance de l’emporter avec "Boneshaker" qui vient offrir des évolutions aussi discrètes qu’incontestables et les joint à une énergie irrésistible qui fait plaisir à entendre. A chacun de choisir son camp, même s’il semblerait dommage de passer à côté d’un aussi bon moment mené avec autant d’honnêteté.