Pour les amateurs de rock progressif original et exigeant, le nom de The Tea Club à une résonance particulière. En quatre albums, les Américains ont façonné un rock audacieux et protéiforme en constante évolution. Apprécié ou rejeté pour les mêmes raisons, The Tea Club risque de faire parler de lui une fois de plus avec ce cinquième album "If/When".
Ce disque fait suite à l’excellent mais difficile "Grappling" dans lequel The Tea Club avait poussé sa créativité dans ses retranchements en termes de complexités harmoniques, variations thématiques et virtuosités vocales. Le quintet aurait pu suivre une trajectoire continue et abonder dans une créativité qui a fait sa spécificité. Mais ce serait se mettre en contradiction avec sa propre philosophie. Par le passé, The Tea Club jouissait d’un certain confort à laisser l’inspiration se répandre sans obstacle. Les natifs du New Jersey ont choisi de tout remettre à plat et de s’imposer des contraintes de sorte à se mettre véritablement en danger. C’est le producteur Jeff Adderman, successeur de Tim Gilles qui avait suivi tous les albums du groupe jusqu’à aujourd’hui, qui va proposer aux Américains d’épurer leurs compositions et de mettre l’efficacité harmonique au centre de l’écriture. Cela va se traduire par une composante folk et mid-tempo importante, un soin porté aux arrangements et une recherche mélodique évidente purgée de tous les éléments de dissonance dont The Tea Club s’est fait un linguiste réputé.
"If/When" peut se lire en deux parties, la première étant constitué de formats chansons assez conventionnels avec une alternance de modalités folk et de titres rock plus dynamiques. Au rayon des compositions pop-folk, il y a l’introduction sur un temps drakien avec la déchirante ‘The Way You Call’, la mélancolique et orchestrée ‘If I Mean When’, la délicieusement rétro et entraînante ‘Came At A Loss’, ou ‘Sinking Ship’ aux charmes mélodiques irrésistibles. ‘Say Yes’ et ‘Rivermen’ s’intercalent dans tout ce miel pour pimenter un peu le mets, le premier avec un rock alternatif jouissif et immédiat et le second avec une coloration noire qui tranche avec le pastel de rigueur jusque-là dans une montée lente et finalement explosive qui pourrait être le croisement entre Oceansize et Thumpermonkey. La seconde partie de "If/When" se concentre en ‘Creature’, le plus long pavé jamais composé par le groupe avec près d’une demi-heure au compteur et reprend les codes de l’album sous la forme de trois tableaux séparés d’ambiances immersives et atmosphériques.
Il fallait bien que la nature profonde de The Tea Club resurgisse dans un dernier souffle vital après avoir été contenue pendant une demi-heure. Dans la séquence du début ce sont des passages folk et acoustiques qui dominent avec toujours ce fort degré de mélodie, des hauteurs vocales pleines de gravité et une tonalité progressive 70’s très subtilement distillée. Le cœur s’emballe et emporte définitivement l’auditeur dans une frénésie instrumentale jubilatoire. Le final fonctionne comme un miroir déformant de la première partie avec certains prélèvements de mélodies déjà entendues ('If I Mean When' ou 'The Way You Call') et exploite la thématique principale du morceau en l’étirant en de multiples variations.
De par sa construction, les durées de ses titres et les différences de styles entre un song-writing diablement calibré pour la première partie et une pulsion progressive débridée pour la seconde, ce "If/When" est le disque le plus contrasté de The Tea Club. Bien que ce disque ne soit pas totalement représentatif du travail passé du groupe, il peut être abordé comme une porte d’entrée sur une discographie exigeante qui récompense au centuple la patience que l’on aura consenti à y mettre pour la découvrir.