Depuis 1997 les Finlandais d'Insomnium répandent leur colère mélancolique et leur sombre évangile dans les oreilles d’adorateurs avides de musique âpre, glaciale et ardente. Music Waves avait été subjugué par l'éclatant “Winter’s Gate” et son unique pièce de quarante minutes où les climats se percutaient, les émotions abondaient et une classe infinie explosait. Entre temps la formation a été renforcée par Jani Liimatainen (Ex. Sonata Arctica, Cain's Offering, ex. Altaria) qui a partagé la scène avec Omnium Gatherum. Le groupe publie aujourd'hui “Heart Like A Grave”... c’est peut-être par l'image de ce cœur endeuillé que le groupe souhaite faire table rase du passé.
Une impression étrange grandit lors des premières notes de “Heart Like A Grave”, une sensation de changement diffus. L'album provoque une émotion particulière . Les restes du death violent des débuts sont là : certains passages (‘Pale Morning Star’) renvoient à “In The Hall of The Awaiting” ou “Above The Weeping World”. Le groupe entame une sorte de retour aux sources, délaisse les climats vaporeux développés depuis quelques années et revient à la rage intense des débuts. Des parties plus rapides (‘Mute Is My Sorrow’) font penser à ‘Mortal Share’, alors que d’autres ambiances calmes aux guitares acoustiques (‘And Bells They Tool’, ‘Twilight Trails’ ou ‘Heart Like A Grave’) remémorent la beauté limpide de ‘The Elder’. Les mélodies fouillées sont omniprésentes, faisant surgir un nœud dans la gorge : ‘Twilight Trails’, ‘Heart Like A Grave’, ‘Karelia’, ‘Wail Of The North’. Puis, même si le piano doux-amer surgit sur ‘Must Is My Sorrow’ ou ‘Wail of The North’, Insomnium renforce son identité death, avec les rythmes intenses de ‘Twilight Trails’, ‘Neverlast’ ou ‘Valediction’, les vocaux grunt profonds et très présents, alors que le groupe avait voulu parfois les laisser de côté au profit de lignes claires. Le point d’orgue du disque est le travail sur les guitares qui flirtent avec le shred. Est-ce dû à la présence de Jani, même si cette orientation était palpable sur “Winter’s Gate” ? Les descentes de manche de ‘Pale Morning Star’ et ‘And The Bells They Toll’ sont un ravissement, une sorte de bénédiction, mais elles brouillent les pistes, car le groupe était avare de telles démonstrations, si bien que leur présence parcimonieuse garantissait l'extase, alors que sur ce disque elles semblent être un passage obligé, une habitude.
Grâce à cet opus, la personnalité schizophrénique de Insomnium éclate en de multiples variations : une proche de Omnium Gatherum avec des guitares solitaires ultra présentes; une qui flirte avec Septicflesh, lui empruntant sa brume symphonique mélancolique; une similaire à Dark Tranquility teigneuse et enragée, source de toute hérésie. S’entrechoquent alors des passages lourds très mélodiques, des secondes rapides bourrées de six-cordes shred, des ambiances doom et des blasts rugueux. L’album créé ainsi une émotion palpable, fait monter une larme à l'œil, mais aussi déstabilise...
Insomnium entame un changement, car après un "Winter’s Gate" d'anthologie, il produit un album proche de ses compatriotes d'Omnium Gatherum, un disque approchant les canons du death mélo de Children Of Bodom. Bref, cet excellent disque n'est pas enrobé de la mélancolie désespérée qui habitait les dernières productions, mais de la lourdeur des origines mâtinée d'une grâce simple et lumineuse.