Bazar Bellamy est la synthèse d'une convergence artistique composée de Monsieur Georges (chant), de Pablo Berchenko (guitare), de Jean-Louis Bire (batterie), de Ludovic Martin - ex Lagony - (basse) et de Irwin Gomez - Budapest et KKC Orchestra - (claviers). Outre des membres issus de styles différents (punk, rock, metal, indus, rap, blues), la particularité du groupe est d'attacher une importance singulière aux paroles, s'inscrivant ainsi dans le sillon de combos tels que Eiffel ou feu Noir Désir, écrites autour d'un triptyque "Amour / Existence / Espérance". Écorchés vifs dans un monde de plus en plus abîmé et dans l'urgence pour sa survie, Bazar Bellamy propose un rock dont la musique sert à faire passer un message, chose qui se fait de plus en plus rare dans l'industrie musicale actuelle, du moins celle que l'on nous sert dans les médias mainstream.
Après une campagne de financement participatif, le groupe a réussi à mener à bien l'enregistrement et la commercialisation d'un premier album "Jusqu'ici Tout Va Bien" avec comme image un crapaud paralysé au milieu de la route, une voiture dans le dos sur le point d'interrompre la vie du pauvre batracien... Le groupe se fait témoin du constat d'un système qui aliène les émotions jugées mal vues dans nos sociétés occidentales ('Un Homme') à l'appui d'un poème remanié de Kipling ('Si'). Le texte célèbre les vertus d’un stoïcisme sous l’ère victorienne britannique,
où il était noble de retenir ses émotions et de dominer ses passions. Finalement rien n'a changé.
Le groupe est un mélange du rock traditionnel à la française auquel il greffe des éléments de stoner mais aussi électro à la Da Staat dont le groupe est friand. Cet aspect qui pourrait être un peu fourre-tout se révèle donner à l'ensemble un relief singulier et personnel. 'Démodé' est le parfait exemple de ce patchwork musical ambiant bien équilibré par Bazar Bellamy avec un texte acide sur la nouvelle génération (musicale) symptomatique d'une relative régression culturelle encouragée par des médias mainstream. Les textes sont très littéraires à la manière d'un Thiéfaine ou Roda Gil, et détonnent dans une industrie qui ne prend plus le temps de se pencher dessus.
Si l'ambiance se veut sombre et lourde, il se dégage cependant non pas une résignation ni une résilience face au constat pessimiste, mais un espoir qui réside dans "l'amour toujours l'amour", parfois sur un ton léger ('Via Frattina' du nom d'une célèbre rue de Rome) ou un peu moins ('Mercy'). L'ardeur n'est toutefois jamais éloignée avec un rageur 'Garde les Yeux Ouverts' à la forte tension dramatique qui évolue tout le titre. Monsieur G possède un timbre de voix très clair et interprète les titres avec une relative retenue bienvenue, entre douceur et éraillement sur des mélodies efficaces.
Voici un bel album, un peu court toutefois, dans lequel Bazar Bellamy, malgré l'origine musicale disparate de chaque membre, offre un ensemble cohérent qui dénonce l'urgence avec une belle énergie mais aussi de l'espoir. Le titre de l'album colle parfaitement à l'avis positif qui se dégage de l'écoute, jusqu'ici tout va bien pour Bazar Bellamy et ça ne fera certainement que durer pourvu qu'il trouve sa place dans une industrie qui devient de plus en plus lisse.