Selon le prisme au travers duquel on regarde (écoute) la musique électronique, plusieurs degrés artistiques dominent. Schématiquement, il y a celle marketée, consensuelle, pour plaire au plus grand nombre, ou bien celle qui souhaite être accessible tout en conservant un certain degré d'intégrité (Daft Punk) puis celle qui se veut avant-gardiste se fichant pas mal d'être comprise ou non. Classer Made In Taiwan, qui comme son nom l'indique nous vient d'Italie, dans une de ces catégories semble d'emblée aisé (il n'y a qu'à voir la pochette d'un goût douteux qui pourrait être issue d'une exposition de la FIAC, mais c'est de l'art) tant une première écoute peut désarçonner.
A la tête de ce projet se trouve Giovanni Dal Monte, connu sous le nom de La Jovenc, qui fait l'admiration de Nicolette de Massive Attack. L'album n'est pas aisé à comprendre et son écoute pourrait ressembler à un horrible pensum mais avec un effort certain on peut y trouver des points d'entrée qui permettent de s'accrocher. La démarche peut aisément se rapprocher de celle des expérimentations sonores à l'aube du rock progressif fin des années 60. Pour pouvoir apprécier ce disque il faut totalement oublier la manière dont on écoute la musique aujourd'hui, quasiment sans effort, à subir la mélodie plutôt que d'aller la chercher.
Ces entrées relativement faciles s'illustrent dans 'La Sera Del 13 Luglio' qui se rapproche des structures que proposait Craig Armstrong dans ses albums avec une mélodie mélancolique qui semble être personnelle et touchante. 'Manu' quant à lui lorgne vers une musique plus dansante facile à mémoriser. Tel un sorcier, Giovanni expérimente et tente des choses très avant-gardistes, oubliant la mélodie au profit d'une originalité qui peut parfois perdre l'auditeur. Mais l'art ne s'explique pas, il se ressent.
Si l'Italie nous a envahi de sa house music dans les années 90, Made In Taiwan prend un virage à 180 degrés tellement son album est difficile d'accès mais dont on peut saluer l'audace artistique - presque un suicide commercial, mais il n'a rien de commercial en réalité. L'album mériterait sa place au centre Pompidou tant il n'a d'appartenance à aucun genre.