Après une éclipse de 15 ans, le rock progressif refait surface au début des années 90. Certes, il ne s'agit plus de la musique audacieuse et expérimentale des années 70 où les groupes jouaient aux apprentis sorciers pour le pire ou le meilleur. Si le néoprog reprend à son compte les compositions à tiroirs et les mesures complexes, il préfère les mélodies bien charpentées aux improvisations et autres délires dissonants de son aîné. Néanmoins, dans ce paysage un peu policé, deux groupes voués à un brillant avenir cultivent leur différence en jouant la carte de l'originalité, flirtant souvent avec le prog des origines, déjà baptisé old school. Menés par leurs infatigables et charismatiques leaders respectifs, Neal Morse et Roine Stolt, les Américains de Spock's Beard et les Suédois de The Flower Kings entamaient des carrières florissantes.
Vingt-cinq ans plus tard, The Flower Kings fait toujours preuve d'une belle vitalité, sortant à peine un an après l'excellent "Manifesto of an Alchimist" ce "Waiting for Miracles". Notons au passage que la mention (bien inutile) "Roine Stolt's" qui précédait le nom du groupe sur le précédent album a disparu et saluons l'amusante pochette montrant un éléphant en équilibre sur un château de cartes, symbolisant peut-être le côté casse-gueule d'encore oser faire du prog old school en 2019.
Car The Flower Kings est peut-être le groupe qui honore le plus le rock progressif des années 70 aujourd'hui. Sans aucun passéisme, en toute modernité, avec une prise de son impeccable, ses compositions font preuve d'une créativité qui ne s'émousse pas avec les années qui passent. La complexité des partitions de chaque musicien qui s'imbriquent les unes dans les autres pour un résultat d'une fluidité exceptionnelle laissent admiratif. Alternant astucieusement passages chantés et instrumentaux, les premiers sachant se rendre aisément accessibles par leur structure couplet/refrain, les seconds nous régalant de délicieuses digressions, l'album dégage une atmosphère à la fois sereine et rêveuse et fait preuve d'une homogénéité que n'avait pas toujours son prédécesseur.
Les guitares sont souvent à l'honneur, nous régalant de superbes et nombreux solos. Plus mélodique que rythmique, la basse de Jonas Reingold donne tout son relief au disque et rappelle celle de Chris Squire. Ce n'est d'ailleurs pas le seul point commun avec Yes : les compositions solaires ('Black Flag', 'Miracle for America', 'Wicked Old Symphony', 'We Were Always Here') et les chœurs aquatiques ('Miracle for America', 'Steampunk') évoquent de manière subliminale la formation de Jon Anderson. "Waiting for Miracles" réserve aussi quelques surprises, entre les faux airs de musique classique de 'Ascending to the Stars', le free style de ' The Rebel Circus', prétexte à des musiciens en verve de se faire et de nous faire plaisir, ou l'atmosphère psychédélique de 'Spirals'.
Le miracle a bel et bien eu lieu : "Waiting for Miracle" est l'un des albums les plus réussis d'un groupe qui a pourtant déjà une carte de visite des plus enviables. The Flower Kings allie avec bonheur la légèreté et la complexité pour un résultat d'une grande beauté. Un disque qui donne du baume au cœur.