BENT KNEE: You Know What They Mean (ROCK PROGRESSIF) : avis / chronique à lire sur Music Waves

Dès ses débuts, Bent Knee affichait un vrai potentiel et les albums qui suivirent n’ont fait que confirmer ces impressions. Désormais affilié au label InsideOutMusic qui offre une exposition d’une autre dimension que celle dans laquelle baignait le sextet de Boston jusque-là, rien ne semble plus arrêter Bent Knee. Faisant fructifier la période de grande fertilité qui est la leur, le sextet réalise "You Know What They Mean" deux ans après le remarquable "Land Animal".

Bent Knee a connu une année 2018 mouvementée avec la blessure en juin de leur batteur rendu indisponible pendant quatre mois et l’accident de bus, sans gravité, qui transportait le groupe entre deux dates de la tournée américaine de novembre. Ces expériences ont consolidé un collectif déjà très soudé, au point que les Américains ont décidé de modifier leur modus operandi en abordant la composition de "You Know What They Mean" tous ensemble en studio en partant de zéro et non plus d’assembler des idées éparses issues de démo personnelles. Pour accompagner cette évolution de méthode, le groupe a choisi de simplifier son écriture, de l’axer sur des formats chansons plus directes et d’épurer le son. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Bent Knee s’emploie à nous faire ressentir tous ces changements. Tout d’abord avec un son délibérément brut à l’esprit punk sursaturé qui va parfois jusqu’à laisser penser que les amplis ont été mal réglés ou que les micros de la batterie sont défectueux (‘Bone Rage’, ‘lovemenot’). Et si l’auditeur n’a pas encore compris qu’un nouveau Bent Knee a éclos, plus instinctif, plus authentique, deux passages d’ambiances issues d’une séance de répétition sont là pour clarifier les choses, ‘Lansing’ au tout début et ‘Lovell’ au mitan.

L’idée est séduisante et quand le cahier des charges est respecté strictement cela donne des morceaux réussis comme l’alternatif et direct ‘Cradle Of Rocks’ aux mélodies de refrain recherchées, le popisant et solennel ‘Golden Hour’ ou l’épuré piano-voix ‘Birdsong’ à la charge émotionnelle et dont la production naturelle rend la proximité avec les musiciens palpable. Fidèle à sa nature, Bent Knee joue essentiellement sur les ambiances dans le ténébreux et porcupinien ‘Garbage Shark’ au détriment parfois de la mélodie (‘lovemenot’ ou ‘It Happens’) et au risque de tomber dans des excès de réverbération pour les voix du funky ‘Give Us The Gold’ et ‘Hold Me In’ ou de bruitages agaçants dans ‘Egg Replacer’. Et bien qu’elle soit moins manifeste dans "You Know What They Mean", l’habileté des Américains à façonner des montées ascensionnelles fait toujours son petit effet dans ‘Golden Hour’, ‘Hold Me In’ et ‘Catch Light’, sorte de croisement entre Radiohead et Leprous. C’est Courtney qui ressort le plus de ce nouvel album et on ne s’en étonnera pas. Elle a étoffé l’étendue de son répertoire et tout en flirtant avec l’hystérie (‘Egg Replacer’), et en maîtrisant la théâtralité (‘Bone Rage’), elle ajoute une posture plus posée appréciable (‘Birdsong’, ‘Golden Hour’). Elle est époustouflante notamment dans le trio de départ constitué du crimsonien ‘Bone Rage’, ‘Give Us The Gold’ et ses moments de calme princien suivi de près par ‘Hold Me In’ aux sonorités rétro des années 80.

La nécessité propre d’explorer qui caractérise Bent Knee depuis ses débuts l’a mené vers une tentative assez radicale avec son lot de déchet habituel quand on pratique un style expérimental et tourné vers la prise de risque. D’un côté les contenus et les formats sont plus abordables et d’un autre les choix de sonorités brutes ne simplifient pas la découverte. Difficile de dire si Bent Knee est en avance sur son temps ou s’il s’est laissé piéger dans le passé en s’inspirant de certains styles underground (punk et new wave notamment) de la période 70-80. Ce qui reste certain c’est que Bent Knee continue de bousculer et de faire évoluer sa musique.

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