Ne vous fiez au nom qu'il a choisi de porter, Une Misère n'est pas né dans un coin de l'Hexagone mais dans les glaciales contrées islandaises. En revanche, quand il se présente comme le groupe le plus violent d'Islande, genre d'accroche dont on a tendance d'ordinaire à se méfier, Nuclear Blast n'est alors pas loin de la vérité.
Gommez de fait les images que Solstafir ou quelques polars à la mode ont photographiées dans votre esprit, sinon vous en serez pour vos frais une fois "Sermon" introduit dans la fente de votre chaîne hifi. Si le hardcore que bétonne ce jeune et énervé quintet, la rage au ventre et la plume trempée dans une noirceur visqueuse, s'enracine dans la froide terre qui l'a vu naître, dont il extrait une trame granitique que fissurent de rares mais salvatrices percées atmosphériques ('Overlooked / Disregarded'), ce sont surtout les poches les plus sombres de ce territoire de glace que ce premier méfait fouille, ausculte comme un scalpel avec une précision chirurgicale sans en grever la tension colérique.
En douze uppercuts, la formation grave au burin le portrait sans fard, loin d'une vision charmante sinon romantique, de leur pays qui n'échappe pas à une réalité troublée. Poussée par un chant atrabilaire, par des guitares aussi corrosives que massives et une rythmique volcanique, cette noirceur s'exprime avec une extrême brutalité, traçant dans le sol de profondes saignées. Cassures abruptes et larsens déglingués sont l'œuvre de musiciens constamment au bord de la rupture. De pâles lueurs électroniques ('Offering') et de fugaces rais de lumière distillés par une voix limpide couplée à une six-cordes pointilliste ('Fallen Eyes') répandent toutefois un tapis d'émotions.
Car, sous la couche agressive d'un hardcore tendu comme une hampe chargée de fureur, bouillonnent une tristesse empreinte de laideur et un désespoir radical. Corollaire de cette mélancolie crépusculaire, "Sermon" est travaillé de l'intérieur par des forces souterraines qui affranchissent ce metalcore de son carcan que sapent des influences plus atmosphériques voire presque black metal.
Ces douze titres agrégés en trente-six minutes d'une colère froide filent très vite. Trop peut-être pour qu'on en retienne vraiment quelque chose. Et finalement, en dépit de l'indéniable maîtrise dont ils font preuve, les Islandais peinent à nous faire entrer dans leur univers dont on reste écarté, même si les percées émotionnelles déchirant "Sermon" nous permettent d'en entrevoir l'âme et le cœur. Une Misère n'incarne pas moins le renouveau du metalcore, c'est indéniable.