Siljan est un groupe marseillais qui a sorti un premier album en configuration trio constitué du guitariste-chanteur Guillaume Arnaud et des deux Jules, Bouisson à la basse et Pelletier à la batterie. Au moment de se lancer dans l’aventure du deuxième disque, le trio accueille la violoncelliste Johanna Renaud pour consolider le noyau dur de Siljan.
S’il n’est pas rare que les groupes de rock s’adjoignent les services du violon, il est par contre plus original de choisir le violoncelle. Le moins que l’on puisse dire est que cette présence ne procède pas d’une démarche cosmétique pour combler quelques espaces vides dans des compositions bancales. Non, Johanna est membre à part entière du groupe et son instrument un élément essentiel du son de Siljan. Le trio a eu une idée lumineuse en laissant Johanna faire la démonstration de la grande richesse du violoncelle à travers une utilisation étendue, à la fois soliste, pour installer quelques tensions, tisser des ambiances mélancoliques ou apporter une pointe de poésie.
La grande force de Siljan réside dans son talent instrumental et chaque musicien excelle dans sa partition technique. Une maîtrise qui leur permet de donner corps à une musique polymorphe, jouant sur les clairs-obscurs à l’intérieur même des morceaux avec des passages presque atmosphériques et des riffs de pur metal. Et bien que la production ne soit pas dopée aux hormones de croissance, ce qui permet à tous les instruments de se détacher clairement, et que la couleur si particulière du violoncelle vienne brouiller les repères, c’est bien du rock prog puissant dont il est question ici (‘Dusk’, ‘Delicate Matter’, ‘Poseidon’, ‘Collapsology’). Un rock/metal progressif à la définition élargie qui apparaît tour à tour épique (le toolien ‘Dusk’, ‘Only Earth’ et sa montée), groovy (‘Wisdom’, ‘Antwork’), jazz (‘Extinction’, ‘Changes’, ‘Liberation’) ou sombre (‘Delicate Matter’, ‘Only Earth’, l’instrumental ‘Extinction’) et tout cela sans se disperser ni accentuer la complexité du résultat.
Les parties chantées sont le résultat d’un travail soigné et tout à fait remarquable sur la qualité des mélodies (‘Antwork’, ‘Poseidon’). Elles apparaissent comme une voilure de sensibilité qui se pose avec humilité sur un édifice instrumental imposant, comme si la présence humaine, symbolisée par les voix, devait rester à sa mesure devant quelque chose qui la dépasse. On regrettera toutefois que ce secteur, qui aurait gagné en volume s’il avait été consolidé par des chœurs, ne soit pas à la même hauteur d’excellence que la musique. C’est bien la seule réserve que l’on peut émettre à l’écoute de ce "Collapsology" surprenant par sa maturité harmonique et ses sonorités originales.
Dans "Collapsology", Siljan traite des sujets forts et contemporains centrés autour du concept de "collapsologie" en jouant sur la capacité de l’auditeur à se créer des sensations et des images. L’écoute pourra prendre une dimension supplémentaire en concert car à l’image du travail de Steven Wilson, Siljan complète ses prestations de visuels en accord avec la musique. Avec leur deuxième album, les Français de Siljan frappent un grand coup et nous permettent de découvrir un rock/metal progressif intense et singulier qui comblera les amateurs en recherche d’expériences nouvelles.