En dépit de son nom et d'une musique qui de par sa hargne charbonneuse semble vouloir s'en nourrir, Verdun ne puise pas son inspiration dans la Première Guerre mondiale mais développe une histoire personnelle, celle de l'amiral Masuka, en un concept spatial qui se décline sur chaque album depuis le fondateur EP de 2012. Les apparences sont trompeuses et ce n'est pas "Astral Sabbath", suite des aventures narrées par "The Eternal Drift's Canticles" (2016), qui nous contredira.
Ceux qui, guidés par ce titre aux relents de doom cosmique, ne connaîtraient pas encore les Montpelliérains et espéraient être invités à un voyage aux allures de trips hallucinés en seront pour leur frais. De voyage, il est ici bien question mais il n'est en rien confortable, périple au contraire tendu comme une hampe toujours prête à exploser de douleur. Verdun se présente comme le démiurge d'un sludge étouffant, taillé au burin et obscur comme une marée noire. Ce qu'il est même de plus en plus.
Si l'effort précédent se parait par moments de lueurs émotionnelles et d'une lointaine forme de beauté, ce deuxième album longue durée s'enfonce corps et âme (surtout) dans un gouffre sans fond aux parois duquel n'accroche aucune lumière. Ou si peu, témoin ce 'Venom(s)' dont le pouls mélancolique le rend plus dramatique que coléreux. Que le hurleur David Sadok soit de retour après un court hiatus et que Jérôme Pinelli soit désormais le seul guitariste après les départs de Paulo Rui et Aurélien Dumont n'est sans doute pas étranger à la noirceur chaotique qui ronge "Astral Sabbath" et tend à le rapprocher quelque peu de "The Cosmic Escape Of Admiral Masuka".
Si le groupe ne se départit pas de ces compositions au format étiré, celles-ci grondent d'une force ramassée, saillies toutes en tension souterraine charriant un désespoir visqueux. Leur défloration se révèle assez rude, d'autant plus que 'Return Of The Space Martyr' donne tout de suite le ton d'un album coulé dans le béton le plus pétrifié. Soit neuf minutes aussi suffocantes qu'éprouvantes. Pourtant, passée cette amorce d'une glaciale cruauté, le reste du menu s'avère finalement plus complexe entre un 'Darkness Has Called My Name' dont le chemin (de croix) sinueux est pavé de déchirures douloureusement mélancoliques ou un 'The Second Sun' aussi vicié que vicieux dont les prémices tranquilles n'augurent en rien du reflux nauséeux qu'il étire en un épandage trouble et malsain. Ultra pesant et irrigué par une guitare trempée dans la rouille, 'L'enfant Nouveau' puis le terminal 'Ästräl Säbbäth', qui sonne comme une interminable et définitive procession dans les entrailles d'une noirceur nihiliste, confirment à leur tour le caractère tortueux d'un opus dont la gravité brutale cache en fait un lacis d'atmosphères.
Sous les traits d'un sludge doom éprouvé, "Astral Sabbath" grouille d'une force rampante et d'une richesse obscure nichées dans les replis ténébreux de son intimité.