Fondé en 2008 et déjà fort d’un premier album ("Within My Recollection", 2013), le quartette allemand Crayon Phase officie dans un style néo-progressif dynamique. La quête d’un chanteur pour son nouveau projet a pris un certain temps, et c’est seulement six années plus tard que paraît "Two Hundred Pages" avec l’arrivée au micro de Raphaël Gazal, chanteur... brésilien, qui a à son actif nombre de participations dans des groupes metal (Pastore, Léviathan... ).
On le sait, le genre néo a ses adeptes et ses détracteurs. Les premiers apprécient l’approche mélodique d’une musique cherchant les évolutions, les seconds sont exaspérés par un genre qui selon eux tourne en rond dans des codes et des carcans stéréotypés, ne renouvelant pas un style qui n’a plus grand-chose à dire. Et il est vrai que Crayon Phase peut aisément être inséré parmi les groupes de néo anglais, au milieu des IQ, Arena et autres Pendragon : l’utilisation copieuse des synthés, la basse tournoyante et la recherche mélodique constante le rapprochent de ces groupes. Crayon Phase use de tous les marqueurs néo : breaks à foison (‘Salvation’), passages instrumentaux alternant soigneusement les claviers et les guitares, titres à rallonge (à part le prologue et la conclusion, tous les titres dépassent les 8 minutes), jusqu’à la reprise de thème de l’ultime morceau pour bien sceller le concept-album, tous les clichés sont bien réunis.
N’empêche...
Il n’empêche que tout ça est sacrément bien foutu et que le groupe sait réutiliser des patrons connus pour concevoir des morceaux qui ont de le gueule et qui parviennent très efficacement à emporter l’auditeur. Loin de se confire dans des partitions sucrées, le groupe sait dynamiser sa musique, épiçant son propos de touches de double pédale ou de belle présence de la basse (jolie ligne porteuse sur ‘Salvation’), voire de points electro dans des titres sans aucun temps mort, toujours en évolution, maintenant une attention constante. Le travail de Raphaël Gazal n’y est pas étranger, son chant diversifié peut passer d’un ton très néo (et dans ces moments, son timbre n’est pas sans rappeler Mark Smit, ex-chanteur de Knight Area) à un style plus rauque / plus canaille (‘Procession’) où l’influence metal est bien perceptible.
Des titres comme ‘Paralysed’ ou ‘Retrospective’ sont ainsi de franches réussites dans le genre néo-progressif dynamique. Un petit reproche toutefois, la densité instrumentale de l’ensemble aurait réclamé quelques pauses (l’entame acoustique de ‘Retrospective’ fait du bien !) ; un léger inconvénient que l’on retrouve d’ailleurs dans certains albums de Pendragon ("Not of This World", copieux au même titre que ce "Two Hundred Pages" qui dépasse les 77 minutes !).
La tendance étant au raccourcissement de la durée des albums, gageons que Crayon Phase gommera ce léger travers dans l’avenir. En attendant, que les amateurs de néo n’hésitent pas à se plonger dans cet opus qui, s’il ne crée pas de surprise, représente très généreusement son style !