Ça arrive parfois. Le Top 5 de l’année de la rédaction de Music Waves est bouclé, puis déboule avec un peu de retard un album qui aurait largement mérité d’y figurer. Retard avoué étant à moitié pardonné, donnons enfin à "Veil Of Imagination" de Wilderun l’espace de visibilité qu’il mérite, car cet album est une claque musicale comme nous avons rarement l’occasion d’en recevoir. D’ailleurs, pour être tout à fait franc, c’est le groupe lui-même qui était passé sous nos radars sans le moindre écho, même furtif. Pourtant "Veil Of Imagination" est déjà le troisième album des Bostoniens dont la carrière a réellement commencé en 2012, même si le groupe a été fondé en 2008 par le chanteur et guitariste Evan Berry.
L’une des raisons du manque d’exposition de Wilderun est sans doute l’étiquette folk metal revendiquée qui colle à sa musique depuis les origines. Dans le genre, mis à part Agalloch, rares sont les groupes dont la renommée a réussi à traverser l’Atlantique pour venir se mesurer à ses homologues européens. Mais au fil des ans, la musique des Américains a beaucoup évolué et si quelques traces de folk metal subsistent çà et là dans certaines compositions de "Veil Of Imagination", ce nouvel album est avant tout un petit bijou death metal progressif et mélodique aux influences très éclectiques, allant de Turisas à la première période d’Opeth, en passant par Fleshgod Apocalypse pour l’aspect symphonique et Devin Townsend pour la construction cinématographique de l’ensemble.
"Veil Of Imagination" peut être écouté comme une symphonie en trois mouvements, d’une richesse et d’une beauté à couper le souffle. Le premier mouvement, composé des titres ‘The Unimaginable Zero Summer’, ‘O Resolution !’ et ‘Sleeping Ambassadors Of The Sun’, enchaîne les moments de bravoure, les alternances entre chant clair et growls profonds et les transitions brillantes entre passages symphoniques et riffs death metal dantesques. Wilderun fait montre d’un savoir-faire impressionnant pour marier puissance et mélodie sans jamais perdre l’auditeur. Chaque composition a été pensée comme la bande originale d’un film épique grandiose et la composante orchestrale de la musique du groupe est dosée à la perfection pour éviter le grandiloquent et le pompeux.
Le deuxième mouvement (‘Scentless Core (Budding)’, ‘Far From Where Dreams Unfurl’, ‘Scentless Core (Fading)’) est celui où les racines folk metal de Wilderun sont les plus prégnantes, où les guitares acoustiques se mêlent aux arpèges de piano, instrument d’ailleurs omniprésent sur tout l’album, où l’emphase se fait plus sombre, avant de déboucher sur le troisième mouvement dantesque de cette symphonie d’un autre monde. L’énorme ‘The Tyranny Of Imagination’ et son riff opethien et le symphonique ‘When The Fire And The Rose Were One’ (clin d’œil au poème de T.S. Eliot) et son final grandiose viennent ainsi clôturer une œuvre en tout point remarquable et surprenante de maîtrise, à la beauté complexe fascinante.
"Veil Of Imagination" est une pépite death metal, progressive, symphonique et mélodique. Précision des arrangements, richesse des compositions, diversité des ambiances musicales empruntée aux grands compositeurs de musique de films comme Alan Silvestri ou John Williams, tout concourt à propulser Wilderun dans la cour des plus grands et à faire de cet album un futur classique du genre. Grandiose !