AGHORA: Entheogenic Frequencies (METAL PROGRESSIF) : avis / chronique à lire sur Music Waves

Aghora est considéré comme un groupe culte par de nombreux amateurs de metal progressif hybride. La formation emmenée par le guitariste Santiago Dobles, et qui a accueilli en son sein de grands musiciens comme Sean Malone et Sean Reinert, n’avait pas fait parler d’elle depuis quatorze ans, cultivant la rareté et l’aura qui l’entoure. Après deux albums ayant forgé la légende, le groupe a décidé de reprendre l’écriture de son histoire avec "Entheogenic Frequencies".

Outre le fait que Sean Reinert ait été remplacé par Matt Thompson au poste de batteur, le fait majeur de cette renaissance est l’absence de chant. Celui-ci avait la vertu d’offrir des espaces de respiration au milieu d’une musique particulièrement dense et virtuose. Autant dire qu’avec cette disparition, il faut s’attendre à ce que les instruments ne chôment pas pour venir combler les interstices. Intuition validée par une entame de disque qui agit comme une véritable constriction des voies respiratoires avec une impressionnante déferlante de metal progressif fusion emmenée par une section rythmique dantesque. Difficile d’ingurgiter ce magma saturant l’espace sonore qui se révèle une mise à l’épreuve donnant accès à quelques trésors dont les survivants auront la récompense. Ces moments sont rares et d’autant plus précieux pendant les quinze premières minutes et se matérialisent notamment par une fulgurance dans un phrasé de guitare de caractère (‘Path’) ou un thème lumineux dans la perspective mélodique qu’il ouvre à la marche infernale de ‘Arrival’, sorte de Step In Fluid sous enthéogène.

On commence à respirer à partir de ‘Kingdom of Ea’, les grosses saturations s’inclinent devant quelques passages acoustiques (‘Kingdom of Ea’, ‘Tree Of Answers’), le groove diversifie les mesures (‘Cave’) et les séquences planantes refroidissent les bouillonnements, mais le principe directeur du disque reste identique. Il s’agit de cultiver la rareté et de faire ressortir le relief d’idées brillantes par la mise en contraste avec un environnement confus et nébuleux. La perception qui en découle tient autant de l’ivresse quand la basse et la guitare répètent jusqu’à l’exaltation une ritournelle mélancolique (‘Truth Is Alien’) que du vertige et de la grâce quand surgissent les harmonies ancestrales de l’époque babylonienne dans ‘Tree Of Answers’ ou les ambiances de cérémonies chamaniques de la Mésopotamie profonde pendant les hallucinatoires ‘Portal’ et ‘The Marduk Prophecy’. Au metal se mélangent toutes sortes de sonorités ethniques et d’effusions jazz comme dans le frénétique ‘Tree of Answers’ pas si éloigné des métissages pratiqués par Jonas Hellborg et le regretté Shawn Lane, d’autant que les sons clairs et le toucher ultra rapide de Santiago renforcent cette affinité avec le jeu du géant disparu trop tôt (‘Cave’).

"Entheogenic Frequencies" est de cette trempe d’albums qu’il ne faut pas écouter d’une oreille distraite au risque de se laisser submerger par un flot de notes inaudibles et vite fatigantes. Son exigence et sa complexité nécessitent de nombreuses lectures pour en déchiffrer toutes les nuances et en saisir l’âme. Mais il ne faut pas se laisser décourager par ce monument car l’abnégation investie sera récompensée par de nouveaux instants magiques glanés à chaque écoute.

AGHORA

ENTHEOGENIC FREQUENCIES

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METAL PROGRESSIF