Enième petit prodige du blues, King Solomon Hicks est né à Harlem il y a 25 ans, en plein âge d’or du rap US. C’est pourtant vers la guitare que le cœur du petit Solomon a penché très tôt et à l’âge de 13 ans, il était déjà guitariste au sein du célèbre Cotton Club. Pour son premier album solo, le jeune New-Yorkais rend hommage au quartier de son enfance, qui a hébergé tant de grands noms de la musique afro-américaine.
Pas de doute, "Harlem" est un album de blues, avec tout ce qu’un album de blues comporte de passages obligés : des compositions originales, des reprises, du groove (un peu), des solos de guitare (beaucoup) et la volonté farouche de respecter les codes du genre. C’est là que le bât blesse, car même s’il est facile de supposer que ce premier album est pensé comme la carte de visite d’un artiste émergeant, il est difficile de se passionner pour une œuvre qui empile les clichés sans la moindre prise de risque.
Certes, King Solomon Hicks sait jouer le blues et sa voix soul délicate est très agréable. Mais le classicisme de l’interprétation renvoie au mieux aux standards du Chicago blues version Blues Brothers (‘421 South Main’) et au jazz funk de George Benson (la reprise instrumentale réussie de ‘Love is Alive’ de Gary Wright), au pire au blues rock le plus rebattu et le moins inspiré (‘Have Mercy On Me’, ‘Riverside Drive’).
Pourtant, à l’exception du titre ‘It’s Alright’ qui semble sorti tout droit d’une jam session inachevée, l’album est dans l’ensemble bien réalisé. Mais King Solomon Hicks pêche par un excès d’humilité qui masque sa personnalité d’artiste et occulte son réel potentiel de bluesman. D’autant plus que le choix de certaines reprises est assez curieux. Quel besoin par exemple de reprendre la ballade soul ‘I Love You More Than You’ll Ever Know’ de Al Kooper alors que la version de Donny Hathaway reste à jamais insurpassable ?
"Harlem" est hélas un album de blues de plus, sans aspérité et donc sans génie, destiné à faire perdurer un style que la jeune génération, à quelques rares exceptions près, a bien du mal à s’approprier. Ce n’est pourtant qu’au prix d’une relecture personnelle et ambitieuse du blues de ses aînés que King Solomon Hicks parviendra à se faire un nom. Souhaitons qu’il y parvienne. En tout cas, il a tout l’avenir devant lui pour s’affirmer.