Il est de ces projets fous qui peuvent accoucher d’un chef-d’œuvre ou d’une souris. Celui, cosmopolite, du visionnaire iranien Aria Moghaddam s’appelle Dark Matter et se présente en trois chiffres clés : 8 titres, 17 musiciens, 11 pays. Quant au thème, entre le nom du groupe, celui de l’album et l’artwork reprenant la désormais célèbre première photo d’un trou noir, il est sans équivoque, mais il fait le parallèle entre la vie d’une étoile et celle de tout être humain.
D’une nébuleuse à un trou noir, la métaphore n’est donc pas qu’astronomique. Le vide intersidéral de l’espace, froid et hostile, silencieux et hypnotique est bien retranscrit dans l’introduction éthérée de ‘Earthless Child’ et sur l’évocateur ‘Void Wor(l)d’. Le contraste avec la puissance dark/death de ‘Theory Of X’ est saisissant, tout comme avec le symphonique ‘Imperfect Universe’, rappelant Nightwish (période Tarja), que la voix de soprano de Anaé (Melted Space), combinée à celle rageuse d'Aria ne manque pas de rappeler. Un sommet de l’album.
La production dépouillée parvient à mettre chaque note de chaque instrument en valeur. Le travail d’écriture et de composition, allié à des arrangements d’une grande sobriété, crée une ambiance générale froide et inexorable qui parvient à immerger l’auditeur dans ce voyage spatial de la naissance, la vie et la mort d’une étoile, et de toute chose au final.
L’emploi de styles musicaux variés met bien en lumière (sans jeu de mot) les différentes phases de l’histoire, atmosphérique à la formation de la nébuleuse gazeuse, énergique et lumineuse au moment de la naissance, lyrique et enjouée au long de sa vie puis sombre, violente et mélancolique à l’heure de la mort. Cette vie entière file en à peine 40 minutes puisqu’il faut la ramener à celle de l’existence humaine. 80 ans ou plusieurs milliards d’années : les choses naissent, vivent puis s’éteignent. “La vie est un voyage, pas une destination”.
Il faut reconnaître à ce “Nebula To Black Hole” une cohérence indéniable et un très bon équilibre entre le rock éthéré atmosphérique et les passages plus enlevés appuyés par un death metal sombre. La narration au début déclamée par Daniel Cavanagh (Anathema) puis celle en fin d’exercice ont le mérite de poser les bases du concept d’une manière classique sans en faire trop. Dark Matter joue sur le rock progressif, atmosphérique et le death metal symphonique pour un résultat très immersif et au fort pouvoir émotionnel. Une réussite qui, espérons-le, amènera une suite à cet album inclassable, mais très réussi.