Les sujets environnementaux ne datent pas d'hier mais depuis ces dernières années, ils n'ont de cesse de croître avec leur lot d'exagérations ou de dénis laissant la vague impression de perdre toute raison face à différents enjeux inconciliables : écologie et business. Mais qui pourra nous sauver de ce marasme et du cataclysme qui nous guette à plus ou moins long terme ? Peut-être un nouveau Dieu qui pourrait s'incarner en un Magical Musical Man ? Tel semble être le point de départ de cet album de JJ Chardeau qui revêt la forme d'une sorte d'opéra rock neo progressif. L'artiste n'est pas un inconnu dans le microcosme du genre, cultivant une image authentique de dandy rock entre Christophe et Polnareff construite en dix albums et deux EP tous plus singuliers les uns que les autres.
"In Terra Cognita" est le onzième album du compositeur interprète qui pourrait paraître mégalomane tant il domine, sur la pochette, une planète en souffrance consciente. Pour ce projet d'envergure, JJ Chardeau s'est entouré d'une pléiade d'invités prestigieux avec lesquels il a noué contact au fil de sa carrière. Excusez du peu mais dans cet album vous entendrez : Francis Descamps (Ange, Gens de la Lune), Martin Barre (ex Jethro Tull), Jerry Goodman, John Helliwell (Supertramp), Alex Ligertwood (Santana), Michael Sadler (Saga) pour ne citer qu'eux. Inutile de dire qu'avec une telle liste, le défi était de taille de proposer un projet dense et cohérent.
L'album se présente comme un tour du monde musical dans lequel chaque titre épouse un folklore, une atmosphère des pays visités par cet homme providentiel. Construit à l'image de ce que propose Alan Simon, "In Terra Cognita" est une invitation à un voyage initiatique à l'échelle mondiale avec une introduction incantatoire et une conclusion. Ce voyage débute en Russie avec un premier titre rêveur où s’entremêlent piano et violon véloce typique du pays avant de bifurquer vers des mouvements plus synthétiques avec de nombreuses cordes et des guitares dynamiques et des chœurs rappelant ceux de l'Armée Rouge. L'introspection continue avec le joli 'Black Taj Mahal' dépaysant grâce à ses tablas et sitar qui jouent un râga transcendantal jusqu'à son paroxysme, 'Farewell Lhassa' épousant les atmosphères tibétaines.
JJ Chardeau tente le pari fou d'apporter à chaque titre une personnalité qui lui est propre tout en proposant un ensemble cohérent avec suffisamment de passages qui collent parfaitement au personnage atypique qu'il est sincèrement. Il paraît bien difficile de faire ressortir un titre par rapport à l'autre tant ils offrent dans leur individualité un charme indéniable, cependant avec des paroles parfois quelque peu caricaturales ('Frisson Nippon' qui rappelle un peu Amanda et Ange). Si l'ensemble est assez bien pensé, comme l'hymne écologique 'Les Larmes du Pacifiques' ou le plus rock bien nommé "The Last Rockway' (avec sa jolie ligne de sax), l'artiste laisse libre court à sa folie créatrice où des influences crimsonniennes ressortent notamment dans 'DMZ', sorte d'improvisation jazzy sans borne, ou celles de Led Zeppelin dans 'Cabale Kabyle' rappelant 'Kashmir'.
Peut-être un peu trop généreux et manquant un peu de fluidité, "In Terra Cognita ?" rappelle le charme d'antan des disques rock progressif des années 70 avant tout artistiques plutôt que d'obéir à des codes marketing pour plaire au plus grand nombre. JJ Chardeau propose un risque atypique à son image à la fois démesurée et attachante.