Après une période de stabilité qui a quand même duré trois albums et un live, District 97 a renouvelé son line-up avec l’arrivée d’un nouveau claviériste et d’un nouveau bassiste. Le quintet évolue toujours dans un style assez fusion, mêlant à des traits metal des tonalités jazzy voire soul pour une musique qui s’éloigne des stéréotypes.
L’exécution musicale de "Screens" est d’une extrême précision : visiblement tout a été pensé, pesé, mûri pour un rendu le plus exact possible. La ponctualité de la batterie, la rigueur des lignes de basse (avec en prime un petit solo dédié dans 'Forest Fire'), la finesse des arrangements claviers - souvent en arrière-plan -, montrent une maîtrise technique indiscutable.
Sur le plan des compositions, il existe une volonté affichée de ne pas rentrer dans les moules habituels : les riffs de guitare peuvent être acérés, les claviers très confortables (l’intro de 'Sheep', moelleuse), les ruptures de ton sont nombreuses ('Shapeshifter'), mais il existe peu de lignes mélodiques porteuses, ni d’instrumental marquant : District 97 ne fait pas dans l’accès facile, et ce manque de mélodies attachantes, ce refus d’une ligne mélodique consensuelle, sont pénalisants sur la durée, malgré toutes les qualités techniques qu’on peut reconnaître à l’ensemble. Les musiques revêtent un ton très intellectuel dans ces assemblages qui sonnent finalement assez artificiels, parce que trop pensés, manquant de spontanéité.
Sur l’ensemble règne la voix de Leslie Hunt, issue rappelons-le de la célèbre émission "The Voice". Elle a les marqueurs demandés par cette institution télévisuelle : puissance vocale ("elle envoie") et mise en avant permanente. Si aucun reproche ne peut lui être fait quant au placement, au souffle et à la justesse, elle use de quelques artifices à la mode, notamment la propension à user de petites accroches aiguës sur l’entame des phrases. Son chant est le plus souvent en puissance (une caractéristique qu’il faut différencier de la présence), et il est probable que son interprétation gagnerait à être plus mesurée ('Blueprint'). Curieusement, ce marqueur fort que pourrait être la voix de Leslie Hunt, en voulant coller à l’air du temps, devient un instrument de banalisation d’une musique qui au départ n’est pas d’un accès facile.
Finalement cet album d’interprétation sans grande faille peine à convaincre. Coincé entre un ton fusion pas évident à appréhender et un chant trop formaté, sans cap musical réellement déterminé, "Screen" laisse l’auditeur sur le bord de la route sans avoir réussi à le convaincre d’embarquer. Dommage.