Cette fin de premier cinquième de troisième millénaire aura vu le retour de bon nombre de groupes qui ont plus ou moins volontairement su se faire oublier. Qu'ils aient des noms ronflants ou non, beaucoup ont ressenti le besoin de retourner aux fourneaux et de remettre le couvert. Vous connaissez certainement les plus gros de ces noms, vous avez tous les outils pour ça. Moins connus, mais tout aussi digne d'intérêt, City Woodpeckers (a contrario de son cousin Woody - pivert des chants et pivert des villes), fait parler de lui après une première période remplie de lives, de rencontres, de Printemps de Bourges, de premières parties d'Axel Bauer et autres Elmer Food Beat.... et puis plus rien (en tant que groupe). Silence radio jusqu'à la réalisation d'un EP (2015) et de nouveaux concerts ayant abouti à l'enregistrement sonore de 2017 intitulé "Satellite Of Love" (titre cher à Lou Reed).
Ce concert fut en partie l'étincelle pour reprendre les choses là où elles en étaient restées, après avoir mené une vie personnelle bien remplie. La pochette montre une ville qui ressemble à Gotham City dans le ciel de laquelle, lorsqu'un danger menace, l'appel du super héros masqué se fait par le biais d'un spot lumineux dans le halo duquel une chauve-souris apparaît. Sauf que là, à la place de cette satanée bestiole, l'auditeur aura droit à son petit volatile afin de le sauver peut-être de ce trop-plein de productions médiatiques et calibrées qu'il écoute à longueur d'ondes radios. En effet, s’il faut caractériser la musique de City Woodpeckers, c'est d'abord un son bien ancré dans les années 70, un son garage assumé lui conférant un goût d'authenticité qui ne semble pas feint. On se croirait revenu à cette période où le rock était en pleine effervescence avec un groupe de jeunes sauf que nous sommes dans les années 2020 et que ce groupe n'a plus tout à fait la vingtaine.
Mais qu'importe l'âge des artères, les membres ont tous une sacrée patate et une folle envie d'en découdre. Ce qui frappe c'est le naturel des compositions, cette énergie que chacun possède et cette envie de la partager avec celui qui voudra bien l'écouter. On sent les membres heureux de se retrouver comme en témoigne le ‘Beautiful Day’ énergique, comme si les années n'avaient pas eu d'emprise sur les musiciens encore verts jusque dans le son. Celui-ci est volontairement brut de décoffrage comme enregistré dans un garage dans lequel le combo aurait invité les auditeurs à assister à la séance de captation. Cela apporte une patine un peu old school à l'album et une touche 60’s ou 70’s indéniable, période qui sert de base au groupe ('Can We Be Proud'). On baigne dans le rock à l'ancienne sans pour autant être nostalgique. City Woodpeckers ensoleille sa musique avec une coloration reggae dans 'Fundjes Band' (à l'image de The Police) agrémenté d'une jolie partie instrumentale.
Et c'est là tout le sel de cet album, la variété et la liberté d'expression musicale. Tel un caméléon, le groupe colore son rock de tous les styles qu'il tutoie : du rock plutôt classique ('Good Boy'), du boogie ('Good Boy'), du limite hard ('I Wanna be Your Man'), du tarantinesque ('Miss You Mam's') voire de la country à la Mark Knopler ('She Never Came Back'). Le groupe a bien compris que pour réussir un album, il faut le construire comme une sorte de playlist de styles qui, si elle paraît décousue, obéit au standard actuel de l'écoute.
"Some Day" constitue un comeback réussi pour les City Woodpeckers avec un album d'une belle variété, artisanal, authentique et bien réalisé en proposant un rock à l'ancienne qui laisse une belle liberté aux instruments pour s'exprimer et ne pas lasser l'auditeur. Les super héros du rock sont de retour et ça fait mal.