S'attaquer à la chronique de "L'Amour Monte" force à mettre de côté riffs acérés de guitare et les lourdes batteries aux doubles pédales. Ici, tout ne sera que bulle de douceur où le temps paraît suspendu à la voix singulière de Malo Dormoy. Sous ce pseudonyme adopté en hommage au quartier parisien Marx Dormoy se cache une artiste aux multiples facettes : actrice, comédienne, clown, chanteuse et maintenant auteure-compositrice-interprète, Malaurie Duffaud. Ce nom n'est certainement pas inconnu des amateurs de musique indépendante car Malo a fait partie du groupe La Fille D'Octobre (avec Franck Harscouet et Christophe Houssin), qui en 2007, avec l'album "Hurle-Vent" avait conquis au-delà des attentes de départ certains aficionados de gothique voire de metal.
Le bleu domine sur la pochette de "L'Amour Monte" où l'on voit Malo de dos, le regard un peu perdu, qui semble se retourner vers peut-être un passé qui l'a inspiré car l'album n'était pas attendu. Réalisé comme un besoin d'exprimer des sentiments qui ne pouvaient l'être autrement que par le biais de la chanson, l'album apparaît comme une thérapie. Toucher le fond pour mieux remonter, tel semble être le credo de Malo. Si au premier regard on pourrait s'attendre à un disque fleur bleue, tel n'est pas le cas.
Le parcours débute avec 'Début Septembre', titre piano-guitare acoustique-voix presque fantomatique, surtout avec ces chœurs qu'affectionne l'artiste, et qui se termine comme une valse qui s'accélère jusqu'à la fin. Mais si ce début paraît sombre, très vite Malo prend le contre-pied avec des ambiances sud-américaines qui rappellent musicalement les premières compositions d'Art Mengo ('Chaleur', 'Lamarck Collée'), éparpillées à plusieurs endroits de l'album. Si "L'Amour Monte" est un disque sensuel et féminin, il peut largement trouver écho bien au-delà de ce qu'il représente par essence et rencontrer un public plus large, par exemple lorsqu'elle évoque ces sentiments où il faut réapprendre à faire confiance après une rupture ('Ça Prend Un Temps Fou').
Malo Dormoy aime la chanson noble, celle qui porte des histoires et véhicule des choses vraies, la chanson réaliste artisanale à la Brel, Brassens ou Montand (à qui elle fait un clin d’œil dans 'La Chanson Pas Méritée') avec une approche actuelle et surtout une voix qui ne cherche pas la performance et non trafiquée avec un phrasé précis. L'émotion la plus intime et intimiste constitue le fil rouge de l'album avec des titres à donner des frissons tels que 'Doucement' ou 'J'aurais Préféré', qui rappellent les compositions de Christophe Houssin ("Hurle-Vent"), ou le très sombre 'Love Burn Out'. Mais aussi la chanson qui apporte de la lumière avec un enjoué 'Éternel Été' ou bien grâce à l'usage de l'espagnol, cher à Malo, dans 'Una Cancion Para Ti' qui contrebalance le lancinant 'Formentera', l'une des plus belles compositions de l'album.
Malo Dormoy propose un album spontané et cathartique, certes impudique, dans lequel elle partage ses états d'âme et émois. Si on pouvait s'attendre à un disque léger, celui-ci s'avère profond, intimiste, introspectif et surtout bien interprété avec une sobriété bienvenue de la part d'une artiste qui, pour un coup d'essai, produit une bien belle réalisation qui rend hommage aux grands interprètes de la chanson française traditionnelle. Un disque hors du temps.