Né en 1958, Gary Webb poursuit deux rêves tout au long de son enfance et de son adolescence. Alors que le jeune garçon abandonne l'un d'eux à regret (pilote d'avion professionnel), il décide de tout miser sur le second : devenir une rock star. Rétif à tout enseignement et diagnostiqué Asperger, Gary apprend la guitare en autodidacte mais est plus intéressé par les sons discordants qu'il peut en tirer. Il se passionne également pour les récits de science-fiction, qui seront une source inépuisable pour son inspiration. Après avoir intégré quelques groupes sans lendemain (et s’être fait recaler d'une audition de The Jam), Gary est accepté chez les Lasers, une formation qui ne joue que des reprises. Lors de la première répétition, il réussit à convaincre l'un des membres, le bassiste Paul Gardiner, de jouer ses propres chansons. L'essai est transformé et le groupe est repéré par Beggar Banquets qui le signe dans la foulée. Le batteur Jess Lidyard, qui n'est autre que l'oncle de Gary, complètera la formule en trio imposée après le départ de ceux qui voulaient continuer de surfer sur la vague punk.
Du punk, Gary, qui désormais s'appelle Gary Numan, a retenu l'énergie plutôt que les slogans. Le jeune homme est bien conscient que l'Age d'Or du punk a été de courte durée et que de nouvelles directions doivent être trouvées le plus tôt possible, sous peine de finir enseveli sous les invendus. 'Song To The Siren' qui ouvre le bal marque cette évolution, le riff de guitare punk est contrebalancé par le son omniprésent des claviers. Les lignes rythmiques sont dénudées, allant sans tarder à l'essentiel dans le cadre défini par la basse tranchante et la batterie binaire. Gary Numan, qui de son propre aveu, est loin d’être un guitariste
émérite, utilise son instrument comme une arme qu'il dégaine comme sur
'Friends' où ses sonorités écorchées conviennent plutôt qu'un solo poussif. Son chant possède déjà une tonalité robotique et
froide.
Gary Numan, tout comme Ultravox ou The Human League avant lui, a puisé son inspiration dans Kraftwerk et David Bowie pour retrouver un élan perdu après les festivités éphémères de 1977. Les claviers dont il joue annoncent la révolution new wave des 80's. 'My Shadow In Vain', 'The Life Machine' ou encore 'Something's In The House' voient les synthétiseurs jouer d'égal à égal avec les guitares. Le rock massif 'Are You Real?' renverse les rôles et le solo naguère réservé à la guitare est effectué par les claviers. Au rayon des curiosités, nous pouvons retrouver la ballade ironique 'Everyday I Die' (qui parle d'onanisme), un morceau folk 'Jo The Waiter' et un inquiétant 'Zero Bars' qui aurait pu figurer sur l'album suivant. Les paroles sont déjà très marquées par la science-fiction, en particulier les romans de Philip K.Dick, qui inspireront le concept du prochain album. Un thème cher à son auteur s'en dégage : l'aliénation.
Première pierre de l'édifice discographique de Gary Numan, ce "Tubeway Army" permet de saisir le passage de relais entre le punk et le post punk et la new wave. À noter que la réédition CD de l'album en 1998 a ajouté en bonus un concert au Roxy, un document qui permet d'entendre le Tubeway Army punk qui était déjà enterré avant l'enregistrement de cet album.