Swindon,1977, Andy Partridge n'a que 24 ans au compteur mais a déjà écumé toutes les scènes locales. Ce jeune homme excentrique et extraverti a formé une pléthore de formations aux noms improbables et aux styles aussi éclectiques que démentiels. Guitariste autodidacte, il a réussi au fil des rencontres à former un noyau dur composé de Terry Butcher (batterie), Colin Moulding (basse) et Barry Andrews (claviers), renvoyant sans regret les ''quantités négligeables''. Ces quatre personnalités s'accordent sur trois lettres - XTC - (provenant d'un film dans lequel l'humoriste yiddish Jimmy Durante prononçait avec un fort accent le nom extase - ecstasy) pour poursuivre leurs aventures qui les mèneront tout droit dans le bureau de Richard Branson, le fondateur de Virgin.
Enregistré en pleine période punk, ''White Music'' retient de son époque son esprit d'urgence mais s'en démarque en ayant déjà le regard tourné vers le futur. Chacune des compositions s'apparente à une course poursuite rythmique effrénée et vertigineuse. La basse de Colin Moulding ronfle et laisse planer une menace. La force de frappe de Terry Butcher est déjà impressionnante mais elle ne possède pas encore cet effet de profondeur qui se manifestera plus tard. Andy Partridge place des riffs de guitare assez dévastateurs tous azimuts. Les claviers et orgues de Barry Andrews nous invitent à prendre part à une fête foraine pour aliénés. A tout moment, l'un des quatre compères peut placer un solo aussi bref que brutal avant de se faire rattraper par le collectif. La voix d'Andy Partridge révèle des penchants bipolaires, comme s'il essayait de moduler le plus de notes possibles en un espace de temps de plus en plus réduit mais en réussissant toujours à conserver une justesse paradoxale. Son chant est bien servi par l'apport de chœurs délirants. Les paroles qui traitent de nouvelles technologies et de science-fiction révèlent un sens de la formule assez aigu. En revanche, Colin Moulding n'est pas encore affûté vocalement, et ses trois compositions ('Cross Wires', 'Do What You Do', 'I'll Set Myself On Fire') manquent de spontanéité et ne sont pas encore au niveau de celles d'Andy Partridge.
Parmi les perles irrégulières de cet album, on y trouve un reggae-funk orientalisant 'I'm Bugged', 'This Is Pop?' (qui sera réorchestré pour sa sortie en single), une profession de foi du groupe (''Nous jouons les chansons beaucoup trop fort/C'est de la pop, ouais ouais''). 'Statue Of Liberty', pourtant plus sage, sera bannie par la BBC, en raison des confessions libidineuses d'Andy Partridge adressées à la célèbre dame à la torche (''Tu as été le sujet de tant de rêves/Depuis que j'ai escaladé ton torse.../Je navigue sous ta jupe.''). Enfin, 'All Along The Watchtower' est une reprise de Bob Dylan, plus anxiogène que l'original avec son chant affreusement hoquetant et son harmonica des ténèbres.
Malgré ses qualités, l'écoute de cet album peut s'avérer éprouvante aux oreilles des néophytes, en raison de la folie mélodique ambiante qui l'anime. Pour autant, si XTC n'est pas encore totalement en possession de tous ses moyens, de nombreuses écoutes de ce premier opus offrent un aperçu des futurs projets du groupe. Sorti en janvier 1978, "White Music" se classera à la 38ème place des Charts. A noter que la pochette sera retouchée, la bière que brandit Barry Andrews n'a pas été du goût de l'effarouchée Virgin...