En cette période troublée, la musique peut être parfois un refuge pour l'expression des frustrations et des peines de la société. Les sujets sont nombreux : climat, migrants, discriminations, les écarts entre riches et pauvres qui ne finissent pas d'être de plus en plus élevés... Cela était le cas dans les années 60-70-80 où les festivals de rock se multipliaient pour épouser des causes humanitaires.
Et depuis, le rock serait-il devenu l'apanage d'embourgeoisés centrés sur eux-mêmes en oubliant l'essence même du genre par définition, celui d'incarner un acte de rébellion et un style subversif ? Pas tout à fait, à condition de creuser un peu plus profond que ce que les médias nous servent pour retrouver un semblant d'authenticité. Si beaucoup ont cédé au marketing, d'autres ont su garder ou fait naître cette étincelle qui pourrait rallumer la mèche de la révolution sociétale. The Last Internationale fait partie de ces groupes qui ont encore à cœur de se faire les porte-voix des opprimés.
Le duo dont le nom même est une provocation au pays du capitalisme sort un nouvel album, "Soul On Fire", produit par Tom Morello (Rage Against The Machine, Audioslave...). Une âme en feu sous la forme de douze brûlots contre la société consumériste qui accentue les inégalités, douze injections létales dans la pure tradition rock pour dénoncer l'économie financière actuelle. En provenance de New York, Delila et Edgey sont les dignes héritiers des Joan Baez, Janis Joplin ou autres Woody Guthrie et donnent à leur musique une dimension sociale. Pas totalement punk, pas totalement hard, pas totalement folk, The Last Internationale est presque tout à la fois - surtout rock, et se distingue par une direction musicale nuancée plus que frontale. L'auditeur retrouvera le gras de la guitare saturée dans 'Hard Times' avec un refrain imparable clamé par la chanteuse habitée par son sacerdoce contestataire.
Les premières nuances s'incarnent dans 'Try Me' à l'ossature presque funky et terriblement groovy où Paz se veut tantôt charmeuse, allumeuse et cassante, mais aussi dans 'Tempest Blues' aux accents ZZTop dans les riffs southern rock. Mais le morceau qui apporte encore plus de relief est 'Soul On Fire', sorte de ballade bluesy où le chant de Delila Paz prend de l'ampleur avec une voix rauque et concernée sans en faire de trop, mais à donner des frissons. Enfin reste le morceau de bravoure, celui qui enfonce le clou par sa durée et structure totalement débridée avec des parties musicales monumentales où Edgey exprime tout son talent par sa fougue à la Jimmy Page, en roue libre.
Bien ancré dans son époque dure, difficile, clivée, The Last Internationale se fait le porte-drapeau d'une musique que l'on croyait révolue, celle qui s'incarne dans une dimension politique, tout du moins prolétaire, pour permettre d'exprimer une parole trop souvent étouffée et éteinte et qui ne demande qu'à exposer ses frustrations trop souvent contenues. "Soul on Fire" apporte l'étincelle qui rallume le feu du rock le plus noble et existentiel.