Nouvelle pioche du précieux label italien Argonauta Records, Rainbows Are Free n'est cependant pas inconnu des amateurs de gros sons, velus pas mais pas trop, qui n'ont pas manqué de goûter au stoner rock dégorgé par "Believers In Medicine" et "Waves Ahead Of The Ocean", gravés respectivement en 2010 et 2014. Ayant ferraillé sur scène avec pas mal de grands noms de la chapelle doom et psyché US, de High On Fire à Kylesa, de The Sword à Black Mountain, de Pallbearer à St. Vitus, ces Américains venus d'Oklahoma n'avaient malheureusement plus donné signe de vie discographique depuis cinq ans, trop longue abstinence que vient enfin rompre ce "Head Pains" que nous n'espérions presque plus.
Mais le quintet de Norman n'a pas raté son retour aux affaires en livrant un pur brûlot dans la chair duquel est incrustée cette patte qui n'appartient qu'à lui, signature si particulière qui doit une bonne partie de sa puissance et de son pouvoir d'envoûtement à Brandon Kistler, chanteur à l'organe magnétique. A l'unisson d'un rock aussi caillouteux que groovy, ses compagnons ne se montrent pas en reste, prenant plus que leur part dans l'érection de cet édifice planté dans un décor aride.
Trapue et chaleureuse, cette troisième rondelle nous gratifie de huit titres serrés dont les traits taillés dans la roche ne gomment jamais la souplesse moelleuse d'un déhanché psychédélique, témoin le pulsatif 'Shapeschiftler' que nimbent en un pastel désertique de tendres volutes. Mais entre une reprise hargneuse et toute personnelle du 'Nile Song' de Pink Floyd et des saillies qui donnent envie de taper du pied, de l'acabit de 'Electricity On Wax' oint de guitares fuzzy ou de 'The Sound Inside' que zèbrent des lignes obsédantes, c'est pourtant lorsqu'il prodigue des respirations boisées pleine de douceur aux contours folk qu'on préfère Rainbows Are Free car il dévoile alors toute sa finesse et touche au cœur. Le fragile 'Lady Of The Wood / Psychonaut' et le quasi médiéval 'Eunice', piste instrumentale nimbée de chœurs féminins où les Américains se muent en de curieux ménestrels, entretiennent cette facette forestière, ornant de leurs superbes attributs acoustiques ce menu dont ils constituent le point d'orgue.
Lent bien que parfois énervé mais d'une beauté squelettique toujours, "Head Pains" témoigne de l'identité singulière que cultive Rainbows Are Free, baguenaudant entre la fin des sixties et aujourd'hui, quelque part à la lisière d'un stoner lumineux et d'un proto doom rock. Après cinq ans de silence, les Américains signent un retour mémorable à côté duquel il ne faut pas passer !