L’avantage d’être une pointure, c’est qu’on peut se permettre des choses improbables, comme enregistrer en 2020 un album entièrement instrumental de reprises de titres des années 60. Mais être une pointure ne suffit pas. Il faut aussi un grand talent pour faire prendre la sauce. Et de talent, Joe Bonamassa n’en manque pas. Et il n’est pas le seul. Pour enregistrer "Easy To Buy, Hard To Sell", il s’est entouré de son fidèle groupe de scène, baptisé pour l’occasion The Sleep Eazys et il est franchement difficile de ne pas s’amuser autant que ces fantastiques musiciens à l’écoute de cet album insolite.
Loin de tirer la couverture à lui, Bonamassa permet à chacun de ses acolytes de s’exprimer. C’est la grande force de "Easy To Buy, Hard To Sell". La majorité des morceaux sont interprétés à la manière d’un big band, à grand renfort de cuivres qui font toute la différence et donnent aux titres leur ampleur. C’est notamment le cas sur la reprise de ‘Ace Of Spades’ (celui de Link Wray) et de ‘Bond’ (le thème de John Barry). Même lorsque Joe Bonamassa rend hommage à son ami et mentor Danny Gatton au travers de la reprise inspirée de ‘Fun House’ (seul titre de l’album qui n’a pas été créé dans les années 60), il laisse une place conséquente à l’orgue du fidèle Reese Wynans et au saxophone de Paulie Cerra. Certains appelleront ça la classe, d’autres l’humilité. C’est peut-être un peu des deux. Mais c’est surtout la preuve que Bonamassa est d’abord et avant tout un grand musicien qui sait s’entourer et qui pense d’abord à l’auditeur et au rendu final de chaque morceau.
Cela dit, "Easy To Buy, Hard To Sell" contient bien sûr de magnifiques moments de guitare. Bonamassa sait tout jouer et arrive même encore à nous surprendre. C’est le cas avec la reprise de ‘Move’ de Hank Garland sur lequel Joe nous délivre un superbe solo jazz manouche. Mais la vraie pépite de l’album est sans conteste la revisite instrumentale de ‘It Was A Very Good Year’ de Frank Sinatra. Tout en finesse et en subtilité, les magnifiques arrangements pour mandoline et guitares acoustique et électrique confèrent à cette ballade mélancolique un fort pouvoir émotionnel et justifient à eux seuls l’écoute de l’album.
Joe Bonamassa et son groupe se sont manifestement bien amusés à enregistrer cet album qui pouvait paraître un peu désuet de prime abord et qui au final s’avère une œuvre surprenante de vitalité, de justesse et d’éclectisme, entre jazz et rock. Une vraie leçon de musique.