La création d'un groupe peut se faire de façon naturelle au lycée, entre potes, entre connaissances sur le long terme mais aussi "in vitro" par le biais d'un visionnaire mettant en relation plusieurs musiciens qui ne se connaissent pas. Si on a longtemps opposé les uns et les autres en disant que la première catégorie a une légitimité que les autres n'ont pas, c'est surtout en raison du phénomène né dans les années 90, les fameux boys band. Or le fait de réunir une bande de garçons avec une idée tout d'abord marketing a toujours plus ou moins existé et n'est pas si contemporaine. L'un des premiers à l'être fut les Monkees dans les années 60 aux Etats Unis avec l'objectif de promouvoir une série télé.
La tendance a surtout été développée dans la pop avec des groupes tels que Take That, One Direction... avec un regard plus ou moins bienveillant de la critique selon qu'elle soit anglo-saxonne (où ces groupes sont beaucoup plus nombreux et reconnus) ou hexagonale (la faute à des groupes trop caricaturaux et à notre culture musicale). King Calaway fait partie de ces groupes construits autour d'un objectif louable, celui de redonner vie aux harmonies vocales chères aux Eagles ou Crosby, Still, Nash and Young. Interprété par six musiciens et chanteurs issus des Etats-Unis et d'Europe, "Rivers" est le premier album du groupe après un EP sorti en 2019.
King Calaway se prévaut de la fusion de l'Amérique nouvelle, farouche, libre, identifiée par sa musique country rock tant aimée là-bas, collant si bien aux grands espaces, et de la vieille Europe, à l'histoire riche, plus populaire et urbaine. Voulant sortir de cette image préfabriquée, le combo soigne ses compositions aux influences variées des membres que le projet réunit. Les deux premiers titres de l'album se font les témoins de cette entité bicéphale avec l'accueil acoustique et plutôt pop de 'No Matter What' où les harmonies vocales apparaissent surtout sur les refrains et qui seront plus développées dans 'More Than I Do' à l'ambiance plus country. Les voix souvent partagées à trois (Chad, Jordan et Simon) se marient bien entre elles et sont plutôt douces, évitant le surplus de vibes trop entendus dans ce genre d'exercice.
L'écoute de l'album revêt une certaine fraîcheur et passe comme une lettre à la Poste sans pour autant montrer de titre pouvant sortir du lot. Les compositions sont extrêmement courtes, un seul morceau dépassant les quatre minutes ('Picture Of The Way You Are'). 'River' est le plus énergique avec un mélange électro acoustique après une jolie intro au piano. Par ailleurs, de nombreux titres pourraient servir de bandes originales à des films romantiques comme 'Driver's Seat', ballade country dans la plus belle tradition du genre avec le solo communément bien placé (sans être péjoratif car il est très bien amené) et surtout ces harmonies vocales chères au Eagles. Enfin, pour se donner une certaine légitimité, le groupe a décidé de reprendre un standard de Crosby, Still & Nash, 'Love The One You're With', plutôt réussi, en le modernisant quelque peu et dans lequel les voix masculines ont remplacé les voix féminines.
King Calaway prouve avec "Rivers" qu'il est plus qu'un simple patchwork créé de toutes pièces, mais bien un groupe composé de vrais musiciens avec un certain talent pour les mélodies électro-acoustiques d'obédience country rock, agréables mais manquant d'originalité pour être totalement mémorisables.