Les légendes ne meurent jamais. A 74 ans, Robby Krieger est toujours là. Il pourrait tranquillement faire perdurer l’héritage des Doors. Il pourrait se reposer sur ses lauriers de compositeur de tubes intemporels. ‘Light My Fire’, ‘Love Me Two Times’, ‘Love Her Madly’, c’est lui. Mais Robby est un artiste à temps plein. Et même s’il a marqué l’histoire du rock pour l’éternité, il continue à enregistrer, à expérimenter, à créer, de la peinture – l’artwork de ce nouvel album représente une de ses toiles – et de la musique. "The Ritual Begins At Sundown" est son septième effort en solo. Il sort pile dix ans après le précédent, "Singularity", et montre une nouvelle fois à quel point Robby Krieger est non seulement un grand guitariste mais avant tout un grand musicien.
"The Ritual Begins At Sundown" est un grand album de jazz instrumental, généreux et maîtrisé de la première à la dernière note, un album d’une classe folle qui transpire le plaisir de jouer et qui évite tous les écueils classiques de cette musique exigeante. Ici, pas d’improvisation stérile, pas de dissonance déplacée, pas de titre à rallonge, juste des musiciens au sommet de leur art. Et quels musiciens. Robby Krieger s’est entouré de nombreuses pointures ayant joué avec Frank Zappa, Arthur Barrow en tête. Et le résultat est à la hauteur du maître à qui le groupe rend un hommage vibrant avec la reprise magnifique de ‘Chunga’s Revenge’.
L’album est d’une richesse impressionnante. Le jeu précis de Robby Krieger y brille par son phrasé fluide et par son toucher délicat, au travers de solos dont le son légèrement saturé met en évidence l’esprit psychédélique qui imprègne l’œuvre du guitariste depuis toujours (‘What Was That ?’, ‘Hot Head’). Avec la reprise instrumentale de ‘Yes, The River Knows’ des Doors, son jeu inspiré fait oublier à lui tout seul la voix de Jim Morrison, démontrant sans le vouloir vraiment qu’un chanteur, aussi charismatique soit-il, n’est rien sans d’excellentes compositions.
A aucun moment Krieger ne tire la couverture à lui. Il laisse à chaque musicien la possibilité de s’exprimer, ce qui donne lieu à de vrais moments de grâce (les duos guitare/clavier de ‘Bianca’s Dream’ et guitare/saxophone de ‘Screen Junkie’) et de virtuosité (les magnifiques solos de clavier de ‘Hot Head’ et de ‘The Drift’). Pourtant, au-delà de la technique, c’est le groove qui domine l’album et qui en fait tout le sel, le groove de la basse funky de ‘The Drift’, le groove des riffs de ‘Hot Head’ et de ‘The Hitch’, le groove des percussions (‘Bianca’s Dream’) et le groove des cuivres sur la quasi-totalité des titres, à l’exception du mélancolique ‘Slide Home’ sur lequel Robby Krieger fait chanter sa guitare grâce à un magnifique solo en slide.
Difficile de faire une chronique exhaustive d’un album aussi riche. Mais pour tous les amateurs de jazz et de jazz rock, "The Ritual Begins At Sundown" est un grand moment de créativité, d’équilibre et de savoir-faire où tout fonctionne à la perfection. La grande classe.