L'air de rien, cela fait déjà dix-huit ans que Jake Smith promène The White Buffalo au travers du paysage folk-rock US. Mais si la réputation de l'artiste a déjà franchi l'Atlantique pour se développer en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni, elle peine à se faire une place dans l'Hexagone. Pas étonnant lorsque l'on observe l'état du paysage musical national, mais désespérant lorsque l'on prend le temps de se pencher sur les six opus de ce personnage singulier. Refusant toute catégorisation, il tient plus que tout à sa liberté artistique et se révèle un conteur de la trempe des Bob Dylan, Johnny Cash, Bruce Springsteen, Patterson Hood ou Mike Tramp. "On The Widow's Walk", septième opus studio du bison blanc permettra-t-il de mettre un terme à cette injustice ?
C'est un pari à tenter tant l'écoute des onze titres qui le composent devrait en convaincre plus d'un. Produit par Shooter Jennings (star de la country et du rock sudiste ayant travaillé aussi bien avec Duff McKagan ou Marilyn Manson), cette nouvelle livraison discographique est une véritable démonstration des multiples talents de son auteur-interprète, ainsi qu'un parfait aperçu de son univers sans barrière. Véritable phare au milieu de cet océan de sentiments puissants et variés, il y a la voix de Jake Smith. Une voix grave et profonde trahissant quelques trémolos qui ne font qu'amplifier l'intensité des émotions transmises. Que cela soit sur un 'Problem Solution' énergique et captivant, et changeant d'ambiance à mi-chemin pour entamer une marche positive vers la lumière, ou sur la ballade mélancolique 'Cursive', valse triste dénonçant la marche sans âme de la technologie, l'émotion est à fleur de peau.
Ces émotions sont aussi variées qu'intenses, alternant les titres délicats et mélancoliques et les rock énergiques voire coléreux. Dans la première catégorie, 'The Drifter' bascule vers une colère contenue et un désespoir trahi par un chant devenant déchirant. 'Sycamore' reste nostalgique avec l'apport de traits de guitare en distors tels des reflets d'un passé perdu. 'Widow's Walk' étire son chemin de larmes sur un mid-tempo en forme de complainte. L'ombre de Johnny Cash plane sur un 'River Of Love And Lost' mélancolique et blafard, alors que 'I Don't Know A Thing About Love' ressemble à un générique de fin de film avec la silhouette du héros s'éloignant vers l'horizon.
Parmi les titres plus énergiques, The White Buffalo peut aussi bien emprunter à Bruce Springsteen le temps d'un 'No History' aux allures de highway song, qu'à un Pearl Jam teigneux pour un 'Faster Than Fire' mettant en garde contre les colères aveugles de la nature. Et puis il y a le single 'The Rapture' à la folie affleurant dans une histoire de perte de repère d'un homme basculant vers une soif de sang animale qui n'est pas sans rappeler certains titres de Patterson Hood.
Voyage captivant et intense, "On The Widow's Walk" traverse des histoires et des paysages variés en compagnie d'un artiste unique. Alors si vous êtes amateur d'un ou plusieurs des artistes cités tout au long de ces lignes, ou si vous appréciez qu'un artiste vous fasse partager sa liberté et son univers avec authenticité et honnêteté, précipitez-vous sur cet opus et il ne fait aucun doute que l'envie de découvrir le reste de sa discographie viendra rapidement vous titiller.