La Belgique est sans doute en termes d'artistes l'autre source inépuisable de la chanson francophone et internationale : Jacques Brel, Stromae, dEUS, K's Choice, Maurane... sont autant de chanteurs qui ont contribué à donner une aura particulière, souvent plus aventureuse, entre pop, électro et rock. Lilee fait indéniablement partie de cette liste, notamment par son parcours qui s'inscrit dans l'art au sens le plus large possible en raison de son travail de réalisatrice et comédienne.
Toutes ces expériences ont indéniablement nourri la façon d'écrire de Lilee qui sous ses airs avenants cache un monde plus complexe que l'apparence peut donner. La pochette de "Rengaines" donne un indice sur cette richesse, une double photo où l'artiste regarde le ciel puis sur le côté mais cette fois transparente et effacée, le tout entouré de dessins enfantins et tortueux réalisés par Michael Relave. Cette pochette apporte un côté mystique et imaginaire à l’œuvre de Lilee qui va transparaître dans la musique. Cette richesse de forme s'incarne également dans son d'une pureté et d'une amplitude incroyables, offert par Dominique Blanc-Francard chez qui le disque a été enregistré et mixé.
Lilee aime donc cultiver les paradoxes ; elle possède une voix légère, claire, mutine qui se plait à chanter des paroles acides, amères, incisives sur l'amour, les hommes, les séparations... sans pour autant tomber dans le féminisme exacerbé. L'artiste se met à nu sans fard et ressort sa personnalité faite de dualité comme tout un chacun. Ainsi, ce timbre parfois haut perché accompagne une musique plus grave, du fait notamment de la place importante qu'occupe la basse dans les compositions, d'où une relative gravité. Bizarrement, le message passe mieux ainsi. On retrouve dans presque chaque composition des faux airs d'un Nick Cave, Pete Doherty voire de PJ Harvey dans cette façon d'exprimer les textes comme dans le détaché 'Don't Care'.
Ces rengaines sont comme des petites tranches de vie, des contes modernes où la chanteuse sait ne pas tomber dans le jeu de rôle ('Elle ne Veut Plus') préférant le chant naturel, consciente de ses points forts à savoir une voix cristalline qui peut se faire caméléon quand il le faut ('Ne Dis Pas Non'). Parfois, ces scènes sont à la première personne, très souvent imprégnées d'un relatif spleen comme dans le superbe 'Tais Moi' à l'atmosphère noire et hypnotique. La cime de cet album aux racines de la nouvelle scène rock est atteinte avec 'Dad', titre dans lequel la chanteuse semble régler certains comptes.
Album d'ambiance dans lequel la musique un peu trop sobre accompagne de jolis textes aux mots qui font souvent mouche, parfois mal mais avec toujours cette façon de ne pas y toucher comme pour en faire une devise : "des paroles de fer déclamées par une voix de velours". Lilee se distingue des productions belliqueuses actuelles en étant nuancée à la fois dans son propos et sa façon de chanter. Elle nous offre avec "Rengaines" son monde à la fois subtil et réaliste.