Qui a dit que le metal progressif était réservé à des musiciens sérieux, parfois à la limite de la prise de tête ? Surement pas les Brestois de Tranzat en tout cas. Après un premier album auto-produit ("Hellish Psychedelia" – 2016), le quatuor est désormais membre de l’écurie nantaise Black Desert (El Royce, Enlightened…) et revient avec une nouvelle offrande discographique intitulée "The Great Disaster" pour laquelle il fait encore preuve d’une approche totalement déjantée de son art. Que cela soit dans le visuel, les paroles ou les remerciements au sein du livret de son nouvel opus, la formation bretonne prend à nouveau le risque d’être prise pour une simple bande de plaisantins sans que ses qualités artistiques ne puissent faire leurs preuves.
Pourtant, il suffit de poser une oreille sur cette nouvelle galette discographique pour avoir une nouvelle preuve que 'ne pas se prendre au sérieux’ ne veut pas dire ‘ne pas faire les choses sérieusement’. Pour cela, Tranzat déroule une introduction spatiale tout en ambiances (‘Prelude’), un instrumental heavy et mélodique (‘… And Beyond’) et cinq gros pavés dépassant allègrement les 7 minutes, la pièce éponyme flirtant même avec les 17 minutes. Pourtant, n’espérez (ou ne craignez) pas d’avoir à affronter des structures alambiquées et des plans hyper-techniques. L’approche progressive développée par le quatuor se traduit plutôt par la cohabitation d’ambiances différentes mais vers lesquelles les membres du groupe nous font évoluer graduellement. ‘Nothing But Dust’ progresse ainsi d’un heavy atmosphérique vers un power metal ravageur, en passant par un pont instrumental sur lequel le tempo ralentit nettement, ou par une saillie digne du black metal avec ses hurlements et ses blast beats, tout ça avant de se perdre dans l’espace intersidéral.
Tout l’art des Bretons réside dans cette faculté à faire cohabiter des éléments qui pourraient paraître incompatibles, et ceci sans que cela puisse choquer à aucun moment. D’une introduction lente et massive à un final barré en passant par du doom ou du black au sein du même titre (‘Hopeless Skies’), ou partant d’une ouverture psychédélique évoluant vers du sludge avant que le rideau ne se déchire sur une seconde partie lumineuse, instrumentale et barrée (‘Cosmic Island’), chaque titre captive aussi bien qu’il hypnotise. Imaginez une copulation entre le metal progressif spatial de Pagan’s Mind, la puissance de Pantera et les délires d’Ultra Vomit et vous commencerez à vous faire une petite idée de ce que Tranzat peut proposer sur "The Great Disaster". Ecoutez l’enchaînement 'To Infinity...'/'… And Beyond' qui convoque le héros de Toy Story, Buzz l’éclair (dont le cri de rassemblement se trouve être : "Vers l’infini… et au-delà"), au milieu d’un heavy atmosphérique, de hurlements rageurs, de guitares acoustiques hispanisantes et mélancoliques et de passages cinématiques, et vous commencerez à comprendre quel est l’univers des Brestois.
Derrière son apparence potache, le quatuor se révèle finalement être une belle brochette de musiciens talentueux et inventifs. Avec "The Great Disaster", Tranzat marie avec talent la puissance et le délire, la maîtrise instrumentale et le second degré, la rage et le rire, tout ça au sein d’un ensemble sans faille qui ne se prend pas au sérieux. Il est donc grand temps que les amateurs de metal, qu’il soit progressif ou non, se tournent vers cette galette bretonne à la recette originale et dans laquelle ils retrouveront des ingrédients qu’ils connaissent mais dont le liant n’appartient qu’à ses géniteurs.